Leguideinfo.net : Dans un contexte où la parole se libère enfin autour des violences conjugales, un autre mal s’immisce dans le débat : celui de la récupération et de la manipulation. Entre dénonciations sincères et mises en scène opportunistes, il devient urgent de distinguer la souffrance réelle du théâtre malsain.
L’affaire Djelykaba Bintou, au-delà de son aspect médiatique, nous met face à une double réalité. D’un côté, la violence conjugale : un fléau ancestral, profondément ancré dans nos sociétés, trop souvent banalisé, parfois même excusé au nom de traditions dépassées. De l’autre, un phénomène plus récent, mais tout aussi pernicieux : l’instrumentalisation de cette cause par des figures qui se drapent dans un statut de victime qu’elles ne méritent pas.
Quand des victimaires, souvent maîtresses dans l’art de la manipulation émotionnelle, s’invitent dans le débat pour voler la lumière aux véritables victimes, il y a de quoi s’indigner. Car derrière les cris outrés, les indignations feintes, se cachent bien souvent des intentions peu reluisantes : opportunisme, vengeance personnelle, quête désespérée d’attention. Et tout cela, bien sûr, sur fond de buzz et de viralité numérique.
Sur les réseaux sociaux, devenus tribunaux sans filtre ni procédure, ces voix bruyantes étouffent les murmures des vraies souffrances. Celles qui ont vécu l’horreur, en silence, parfois des années durant. Celles qui, avec courage, osent enfin parler, bravant la honte, le regard des autres, et parfois même les représailles. Elles apportent des preuves. Elles demandent justice. Elles méritent tout notre soutien.
Mais à côté d’elles se dressent ces fausses héroïnes, ces prédatrices médiatiques qui manipulent la douleur, généralisent la haine contre un genre, et travestissent la vérité. Elles ne dénoncent pas : elles règlent des comptes. Elles ne militent pas : elles profitent. Elles ne parlent pas pour les autres : elles crient pour elles-mêmes.
Et c’est là le vrai danger. Car à force de brouiller les pistes, ces usurpatrices sapent la crédibilité de toutes les victimes. Elles jettent le doute, alimentent les fantasmes d’une société déjà réticente à croire les survivantes. Pire encore : elles pourraient décourager d’autres femmes de parler, par peur d’être assimilées à ces caricatures toxiques.
Il est temps de dire les choses clairement :
Oui, la violence conjugale existe.
Oui, elle détruit des vies.
Oui, elle doit être dénoncée et combattue.
Mais non, toutes celles qui crient ne sont pas des victimes.
Non, toute attaque publique ne vaut pas témoignage.
Non, le faux témoignage, la diffamation et l’instrumentalisation ne sont pas des formes de lutte : ce sont des délits.
Dura lex, sed lex : la loi est dure, mais c’est la loi. Et elle doit protéger les vraies victimes autant qu’elle doit punir les fausses.
Tant que nous laisserons les masques danser sur les plaies encore ouvertes des survivantes, nous serons tous complices d’un autre type de violence : celle du mensonge et de la trahison morale, de la supercherie ou de simples canulars.
Tribune : Alpha Oumar DIALLO, Chroniqueur de presse