Leguideinfo.net : La récente déclaration du président français Emmanuel Macron au sujet de la dette de l’indépendance marque un tournant symbolique dans la reconnaissance des injustices historiques infligées à Haïti, la première République noire du monde et la première nation à abolir l’esclavage. En 1825, sous la pression du roi Charles X et face à une menace militaire directe, Haïti fut contrainte de verser une indemnité astronomique de 150 millions de francs-or en échange de la reconnaissance de son indépendance durement acquise. Bien que réduite à 90 millions en 1838, cette dette unique a laissé une empreinte indélébile, freinant considérablement le développement économique de la jeune nation jusqu’en 1952.
Ce tribut, souvent qualifié de « punition historique », incarne les conséquences douloureuses de la lutte pour la liberté et l’émancipation. Fritz Alphonse Jean, président du Conseil de Pilotage de la Transition (CPT), a rappelé avec gravité que cette somme représentait une rançon imposée par la force à un peuple courageux, simplement pour avoir affirmé son droit à l’égalité et à la souveraineté. Jean-Pierre Boyer, président haïtien de l’époque, n’avait d’autre choix que de se soumettre à cette indemnité, négociée dans un contexte de pressions internationales intenses et de rapports de force défavorables.
Cette exigence financière s’inscrivait dans une stratégie coloniale visant à préserver les privilèges des anciens colons esclavagistes tout en consolidant l’influence française sur le plan international. Les conséquences furent désastreuses : les ressources nécessaires à la construction d’un État stable et prospère furent détournées pour rembourser une dette injuste, plongeant Haïti dans un cycle de pauvreté et d’instabilité.
Au début des années 2000, sous la présidence de Jean-Bertrand Aristide, l’indemnité fut réévaluée à plus de 21 milliards de dollars, mettant en lumière l’ampleur des préjudices causés. Cette réévaluation a catalysé les revendications pour des réparations financières et une restitution équitable, des revendications qui continuent aujourd’hui de rassembler une large majorité d’Haïtiens. Il est indéniable que ces fonds, s’ils étaient restitués, pourraient transformer le pays en permettant des investissements structurants dans les domaines de l’éducation, de la santé, des infrastructures et de la justice sociale.
Dans sa récente déclaration, Emmanuel Macron a proposé la création d’une commission mixte franco-haïtienne, composée d’historiens des deux nations, pour examiner les impacts historiques, économiques et sociaux de cette indemnité. Bien que cette initiative soit saluée comme un premier pas vers une meilleure compréhension mutuelle, elle n’apporte pas de réponse directe à la demande centrale de réparations financières, qui demeure une priorité pour Haïti et son peuple.
Une cérémonie organisée en Haïti a permis d’illustrer davantage cette dynamique de revendication. De hauts dignitaires et représentants de divers secteurs se sont réunis pour annoncer des mesures concrètes. Deux arrêtés significatifs ont été présentés : le premier établit un Comité national haïtien de restitution et de réparation, composé de 21 experts issus des milieux universitaire et diplomatique, et le second nomme Mme Gusti-Klara Gaillard comme représentante officielle d’Haïti dans le comité mixte franco-haïtien. Lors de cet événement, Leslie Voltaire, conseiller-président du CPT, a lancé un vibrant appel à l’unité nationale. Il a insisté sur la nécessité d’impliquer la diaspora et la société civile dans cette démarche collective, qui pourrait redéfinir les fondements d’un avenir meilleur pour Haïti.
La restitution de cette indemnité ne représenterait pas seulement un geste de justice historique, mais également un catalyseur pour le développement socio-économique d’Haïti. Ce geste pourrait également servir de modèle global pour la réconciliation et les réparations entre anciennes puissances coloniales et nations anciennement colonisées. Plus qu’un simple acte symbolique, il serait porteur d’espoir, ouvrant la voie à une nouvelle ère de coopération et de solidarité entre la France et Haïti, fondée sur le respect mutuel et une volonté commune de réparer les fractures du passé.
Clément II BENOÎT, correspondant, www.leguideinfo.net en Haïti