Contribution : en dépit de tout, la Guinée se cherche encore !
Leguideinfo.net : Dérives excessives, autoritarisme, manifestation, quête de démocratie, les Guinéens font face à d’énormes défis et ça depuis longtemps. En 66 ans d’indépendance, la République de Guinée est toujours victime de certains de ses fils. « En dépit des promesses de changement, ces gouvernements ont échoué à répondre aux attentes populaires, laissant derrière eux une nation qui peine à sortir de l’ombre de ses luttes internes ». Des acteurs de la société civile guinéenne, se sont donnés du temps pour réfléchir sur la situation et proposer des pistes de solutions.
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La Guinée, entre espoirs et déceptions : un panorama politique en quête de renouveau.
Depuis son accession à l’indépendance le 2 octobre 1958, la République de Guinée a traversé une multitude de périodes charnières, façonnées par des personnalités emblématiques qui ont eu un impact profond sur son évolution. À l’aube de son indépendance, le pays, dirigé par le Président Ahmed Sékou Touré, a suscité d’immenses espoirs, portés par la promesse d’une nation libre, unie et prospère. Cependant, les années qui ont suivi ont rapidement révélé un autre visage de cette ambition : entre socialisme idéalisé et répression autoritaire, le bilan de ce premier régime est marqué par des désillusions profondes.
Les décennies suivantes ont vu défiler des régimes successifs, tous soucieux de maintenir un semblant de stabilité, mais à quel prix ? Les coups d’État, les crises économiques et la corruption ont, à plusieurs reprises, plongé la Guinée dans l’instabilité. En dépit des promesses de changement, ces gouvernements ont échoué à répondre aux attentes populaires, laissant derrière eux une nation qui peine à sortir de l’ombre de ses luttes internes.
Le paysage politique guinéen est aujourd’hui un véritable kaléidoscope. Si dans un premier temps, les dirigeants ont incarné une forme d’espoir collectif, la réalité s’est avérée bien plus complexe. De la répression systématique des opposants à l’incapacité à fournir des réformes structurelles durables, aucun chef d’État n’a véritablement répondu aux défis de la nation sur le long terme. L’histoire politique du pays témoigne d’une succession de moments où le peuple, avide de réformes concrètes, s’est vu confronté à l’autoritarisme et à des politiques inefficaces.
Pourtant, au-delà de la sphère politique, des voix de la société civile se sont élevées, défiant les dérives de l’État. Ces personnalités, loin des projecteurs, incarnent l’espoir d’une Guinée plus juste et plus équitable. Elles se battent pour les droits humains, la transparence et la démocratisation, offrant ainsi une alternative crédible à l’élite politique traditionnelle, qui a souvent été perçue comme déconnectée des préoccupations quotidiennes de la population.
En dépit de ces efforts, la Guinée reste un pays où les défis sont nombreux. La pauvreté endémique, le manque d’infrastructures de base et la dépendance économique vis-à-vis de l’extérieur sont autant d’obstacles à surmonter. Selon les indices de développement humain, le pays est fréquemment cité parmi les nations les plus en retard, en particulier en matière d’accès à l’éducation, de santé et de conditions de vie. Ces problèmes ont exacerbé les frustrations, notamment chez une jeunesse guinéenne qui, après plusieurs décennies de promesses non tenues, aspire à un avenir meilleur.
Alors que la Guinée se trouve à la croisée des chemins, une question persiste : quel sera le véritable moteur du changement pour ce pays ? Si les figures politiques traditionnelles semblent avoir atteint leurs limites, c’est peut-être vers la société civile, et plus particulièrement les acteurs culturels et associatifs, que réside l’espoir d’une transformation durable. Fidèles à leurs engagements et ancrés dans la réalité des citoyens, ces leaders pourraient bien être les catalyseurs d’un renouveau pour la Guinée, capable de redonner à ses habitants un espoir tangible pour l’avenir.
II. Le rôle de la culture et des intellectuels dans l’histoire politique guinéenne
La république de Guinée possède une histoire riche qu’elle a su entretenir grâce aux intellectuels et aux acteurs culturels. D’ailleurs, ne sont-ils pas tous des intellectuels ? En effet, chaque groupe, en fonction de son moyen d’expression, a réussi à influencer la société guinéenne, conférant à chaque transformation un caractère unique en raison de son intervention directe ou de sa prise de position face à des événements historiques majeurs.
Au cours de cette histoire tumultueuse, plusieurs figures intellectuelles et artistiques se sont distinguées à chaque époque, telle que :
À la veille de l’indépendance : l’écrasant « NON » au référendum du 28 septembre 1958 est en partie le résultat d’une série de communications menées par les intellectuels et les artistes, qui, à travers divers groupes et orchestres, ont servi de relais aux aspirations des masses populaires.
- Sous le premier régime de Sékou Touré : le défunt Président, l’un des principaux artisans de l’indépendance, reconnaissant la contribution des intellectuels et des artistes, fera de la culture un levier stratégique de sa politique, servant à la fois de propagande et d’endoctrinement. La Guinée brillera sur la scène internationale grâce à ses orchestres. Cependant, alors que la culture atteignait son apogée, les écrivains et intellectuels se heurtaient aux réalités de la politique et au contrôle de la liberté d’expression. Beaucoup choisiront l’exil, tandis que ceux restés dans le pays subirent répression et emprisonnement. Les œuvres littéraires issues de l’exil seront critiques, dépeignant un sombre tableau de la gestion du pays et des anciens héros devenus oppresseurs.
- Sous le Comité Militaire de Redressement National (CMRN) : après l’arrivée des militaires au pouvoir en avril 1984, le général Lansana Conté, alors colonel, adoptera une position qui placera à nouveau les intellectuels au centre des réformes sociétales. La diaspora, absente sous Sékou Touré, sera désormais impliquée dans la construction d’une Guinée prospère. Cependant, les acteurs culturels, désormais privés de financement public, devront se débrouiller seuls dans un environnement plus libéral auquel ils n’étaient pas toujours préparés.
- La période transitoire du CNDD (2008-2010) : après la mort de Lansana Conté, le pouvoir revient à un capitaine militaire inconnu du grand public, qui réussira à fédérer l’opinion nationale. Cela s’explique par la déception générale inspirée par la gestion du défunt régime et à la méfiance que suscitaient les intellectuels perçus comme complices de celui-ci. Un bipartisme politique émerge, et la culture devient un outil pour influencer les consciences et polariser l’opinion.
- De la démocratie d’Alpha Condé à la Transition de Mamadi Doumbouya : Alpha Condé, perçu comme le symbole d’un renouveau après des décennies de lutte pour l’Etat de droit, sera élu lors de la première élection libre de la Guinée indépendante. Cependant, après son arrivée au pouvoir, sa gestion montre les limites des intellectuels, plus enclins à la recherche de gains personnels qu’à servir le bien commun. L’opposition politique et la mouvance oscillent, avec des intellectuels allant et venant entre les deux camps. Au milieu de cette confusion, quelques figures, telles que Khalifa Gassama, se distinguent par leur intégrité.
Cependant, malgré l’arrivée de nouveaux dirigeants sous le leadership du Général Mamadi Doumbouya, la Guinée semble encore en proie à des tensions internes, et la culture continue de servir de véhicule de propagande au service du pouvoir en place. La population, trahie par les intellectuels qui n’ont jamais su guider le pays vers son véritable progrès, observe une nation prise en otage par des acteurs politiques et militaires.
Ainsi, à travers cette analyse, on constate que, bien que la culture et les intellectuels aient joué un rôle crucial dans l’histoire politique guinéenne, leurs influences et impacts demeurent ambivalents, entre idéalisme et trahison, entre aspiration à la liberté et contrôle autoritaire
Comparaison avec d’autres pays africains
La Guinée, riche d’une histoire marquée par des luttes pour l’indépendance, des aspirations à la justice sociale et des espoirs de prospérité, fait face à un paradoxe troublant. Ce paradoxe, c’est la trahison de ceux qui étaient censés porter le flambeau du changement. Parmi eux, les intellectuels ont une place centrale.
L’engagement intellectuel, un serment oublié : L’intellectuel, par essence, est censé être un phare dans l’obscurité, une voix qui dénonce les injustices et qui oriente les sociétés vers des idéaux plus élevés. Pourtant, dans notre contexte guinéen, nombreux sont ceux qui, après avoir brillé par la critique, sombrent dans le silence ou le conformisme dès qu’ils accèdent aux cercles du pouvoir. Pourquoi cette métamorphose si soudaine et si récurrente ?
Lorsqu’ils sont en marge, ces intellectuels apparaissent comme des champions de la vérité et des voix courageuses promptes à dénoncer et condamner les abus. Ils écrivent, discourent et mobilisent. Mais une fois aux affaires, beaucoup renoncent à ces engagements. Ils évitent les sujets qui pourraient « fâcher le Chef » ou mettre en péril leurs privilèges nouvellement acquis.
Les luttes et leurs objectifs non atteints : La Guinée est connue pour ses luttes en faveur du changement. Les manifestations contre la vie chère qui ont connu du succès dans les pays arabes et emporté des chefs d’État, même en Afrique de l’Ouest, ont commencé chez nous dès 2006. Cependant, presque toutes les luttes qui ont mobilisé des foules, causé des blessures et des pertes en vies humaines, et retenu l’attention nationale et internationale, n’ont pas atteint leurs objectifs.
Prenons par exemple la lutte syndicale de janvier et février 2007.
Les syndicalistes réclamaient des changements profonds dans la gouvernance et l’amélioration des conditions de vie des populations. Ils ont obtenu en retour la nomination d’un Premier ministre, quelques promotions pour certains leaders syndicaux à des postes administratifs, mais aucun changement structurel significatif. Finalement, le Général Lansana Conté s’est débarrassé de ces concessions lorsqu’il l’a jugé nécessaire. Cela montre que même les luttes les plus intenses peuvent être vidées de leur substance si elles ne sont pas accompagnées d’un véritable changement de paradigme dans la gouvernance. Changement que devraient apporter ceux qui ont sollicité et obtenu un gouvernement de consensus de M. Lansana Kouyaté et un gouvernement de large ouverture du Dr Ahmed Tidiane Souaré.
Il en est de même pour la dernière lutte courageuse menée en 2020 et 2021 par le Front National pour la Défense de la Constitution. Que de brimades, de tueries et de blessures profondes. L’objectif était d’empêcher la modification de la constitution et par ricochet, la candidature du Professeur Alpha Condé pour un troisième mandat. À l’arrivée, la constitution a bien été changée et Alpha s’est offert un troisième mandat.
Naïveté ou imprudence. Ceux-là même qui ont aidé celui qui se targuait encore d’avoir été le premier Président démocratiquement élu de la Guinée depuis 1958, avant de renoncer à ses convictions d’opposant historique, ont été célébrés par nous intellectuels, lorsqu’ils l’ont déposé le 5 septembre 2021. Quelques-uns d’entre nous qui ont participé activement à cette lutte sur la base de leur foi en la démocratie et la liberté ont bénéficié des promotions. Paradoxalement, ils n’ont eu pour tâches que la destruction de l’idéal auquel ils ont fait adhérer plusieurs de nos compatriotes.
Plusieurs facteurs expliquent cette trahison intellectuelle :
La peur de perdre les privilèges : une fois dans les cercles du pouvoir, la pression pour se conformer est intense. Les avantages matériels, les honneurs et les avantages liés à la position deviennent des freins à toute critique.
La culture du silence imposée par le pouvoir : dans beaucoup de pays, y compris en Guinée, le système politique tend à museler toute voix dissidente, surtout lorsqu’elle provient de l’intérieur.
Le poids des attentes sociales : les communautés, souvent avides de voir « leurs fils et filles» réussir, encouragent une posture d’adaptation au système en place.
Le spectre de l’ethnicisme : la société guinéenne demeure très polarisée par les clivages et considérations ethniques et communautaires. Insidieux et rampant, le phénomène inhibe nombre de compatriotes dont il conditionne les actions de sabotage ou justifie le silence complice.
Une société civile politisée:enGuinée, certaines entités se revendiquant de la société sont en fait des officines politiques qui ne s’assument pas. Des organismes à l’intérieur desquels l’engagement est davantage dédié à des promotions administratives et à du clientélisme politique qu’aux préoccupations authentiques des citoyens.
La banalisation de l’intellectuel : certes, les intellectuels guinéens, comme nous l’avons dit plus haut, ont une responsabilité non négligeable dans le fait que le pays ait essentiellement tourné en rond depuis de nombreuses années. Mais à leur décharge, la société guinéenne est très violente à leur égard. L’Etat, en ce qui le concerne, récompense davantage les activistes au détriment de ceux qui réfléchissent, les intellectuels guinéens sont très souvent dans un état de vulnérabilité tel qu’ils n’ont pas toujours le choix.
Les leçons des pays voisins
Si nous regardons autour de nous, nous voyons que les pays voisins de la Guinée progressent, souvent à un rythme soutenu. L’explication réside dans deux éléments clés :
– La volonté des intellectuels de privilégier le bien commun : dans des pays comme le Ghana ou le Sénégal, les intellectuels s’impliquent activement pour renforcer la
démocratie et instaurer des systèmes de gouvernance plus transparents. Ils refusent de sacrifier leurs principes au profit d’intérêts personnels. L’attitude des magistrats et des universitaires dans la crise ayant précédé la dernière élection Président ielle au Sénégal inspire tant.
– La détermination de la société civile : une société civile forte et guidée par des convictions authentiques agit comme un contrepoids essentiel au pouvoir en place. Elle exige des réformes et s’assure que les promesses électorales se traduisent en actions concrètes. Au Bénin, par exemple, la pression constante de la société civile a permis des changements qui instaurent peu à peu la culture démocratique.
Au Ghana, des réformes dans la gouvernance et l’économie ont permis au pays de devenir un modèle de stabilité démocratique en Afrique de l’Ouest. La transparence dans la gestion des ressources naturelles, ainsi que les investissements dans l’éducation et la santé, témoignent d’une vision tournée vers le développement durable. Les intellectuels et la société civile ghanéens collaborent activement pour maintenir cette dynamique. Ils ont surtout la possibilité de contraindre les dirigeants à agir pour le bien des collectivités.
Le Botswana, souvent cité comme un exemple de bonne gouvernance en Afrique, doit son succès à une gestion prudente de ses ressources naturelles, en particulier le diamant. L’engagement des leaders intellectuels et politiques à privilégier le bien commun a permis d’instaurer une stabilité politique et économique remarquable. Les institutions fortes, incarnées par des hommes de valeur et la lutte contre la corruption sont des piliers du succès du Botswana.
Il est organisé autour des activités minières une véritable surveillance. Des ONG telles que Transparency International Botswana surveillent les pratiques gouvernementales pour identifier et dénoncer la corruption ou les abus de pouvoir. La société civile milite pour des lois permettant aux citoyens d’accéder plus facilement à l’information publique.
En Tanzanie, les réformes entreprises sous le leadership du défunt Président John Magufuli ont marqué un tournant dans la gestion des ressources publiques et la lutte contre la corruption. Les investissements dans les infrastructures, l’éducation et la santé ont amélioré la qualité de vie de nombreux citoyens. La société civile et les intellectuels tanzaniens continuent de jouer un rôle clé pour maintenir cet élan, malgré les défis.
Dans notre pays, des lois qui sont adoptées ne sont pas respectées et les intellectuels ne se donnent pas de peine à changer la donne. Cela dure depuis des décennies et ce n’est pas encore sur le point de changer.
III. Alpha Condé et le retour à une forme de démocratie (2010 – 2021)
L’année 2010 constitue une année de repère importante dans le combat pour l’instauration de la démocratie et l’État de droit en république de Guinée. En effet, c’est au cours de cette année qu’un civil a été porté pour la première fois à la tête de l’État suite à une élection certes contestée par l’opposition mais considérée comme acceptable aux yeux de la Communauté internationale.
L’élection de Monsieur Alpha CONDÉ, opposant historique, adulé au-delà des frontières pour son combat en faveur de l’instauration de la démocratie en Guinée a suscité de l’espoir au- delà de ses partisans qui avaient combattu à ses côtés et voté pour lui.
Tous les Guinéens, y compris ses opposants étaient quasi-unanimes que c’est quand même la première fois qu’un intellectuel de sa trempe, imprégné des défis et enjeux de développement du continent africain est Président de la république depuis l’accession du pays à l’indépendance le 02 octobre 1958.
En tant que Président élu, il avait la charge de parachever la transition entamée le 23 décembre 2008 par l’organisation des deux dernières élections qui restaient, à savoir les législatives et les locales. Pendant toute sa première mandature, il n’a pu organiser que les élections législatives ce, en septembre 2013, à la suite de nombreuses manifestations rue de la classe politique de l’opposition. Manifestations qui se soldèrent le plus souvent par des pertes en vies humaines, des blessés, des arrestations et détentions ainsi que des dégâts matériels considérables dans un climat de tension persistante entre autorités gouvernementales et partisans de l’opposition. Ce qui constituait en soi une entorse aux principes démocratiques que Monsieur Alpha Condé s’était engagé pourtant à respecter et à faire respecter.
Au même moment, il faut souligner que le gouvernement avait initié des réformes importantes et prometteuses en vue de l’amélioration du cadre macro-économique au bénéfice des populations. Et la plupart des partenaires au développement étaient en phase avec ces réformes et s’étaient engagés à les soutenir. Mais le retard accusé par le gouvernement dans la mise en place des institutions constitutionnelles et les tensions politiques persistantes entre le gouvernement et la classe politique de l’opposition avaient ralenti la plupart des initiatives et actions du gouvernement dont certains ont fini par échouer. D’autant que pour nombre de ces partenaires, la mise en place des institutions prévues par la constitution était la condition pour la mise à disposition des financements.
À cela, il faut ajouter que Monsieur Alpha Condé avait annoncé comme une des priorités de son action, la justice et la réconciliation nationale.Dans cette optique, d’une part, l’organisation des Etats-généraux de la justice, en mars 2011, avait débouché sur un plan d’action étalé sur 10 ans et tournant autour de quatre piliers : l’accès à la justice, l’indépendance de la magistrature, le renforcement et la valorisation des capacités humaines et institutionnelles ainsi que la lutte contre l’impunité d’une part.
D’autre part, la Commission provisoire de réflexion sur la réconciliation nationale, créée en Août 2011, avec le soutien notamment des experts des Nations Unies, avait produit un rapport assorti de la recommandation en faveur de la mise en place d’une commission définitive de réconciliation remis au Président Alpha Condé, en 2016. Le rapport précisait que ladite commission devait tenir des quatre piliers de la justice transitionnelle : : Rétablir la vérité historique des faits, la répression pénale des crimes les plus graves, la mise en place des mesures de réparation pour les victimes et engager l’État à faire des réformes institutionnelles pour éviter la répétition des crimes. Malheureusement, la problématique de la lutte contre l’impunité, la réconciliation nationale n’a pas été à la hauteur des attentes des victimes de violations des droits humains dont le nombre a grimpé considérablement sous l’ère Alpha CONDÉ.
Par ailleurs, des efforts ont été fournis par les gouvernements successifs de Monsieur Alpha CONDÉ pour améliorer des secteurs clés tel que l’électricité par la construction des barrages hydro-électriques de Kaleta et Souapiti notamment mais aussi le réseau routier par l’augmentation des nombres de kilomètres de bitumes, la réfection de certaines voiries interurbaines et la nationale Coyah-Mamou-Dabola,
Le dénominateur commun des deux mandats du Président Alpha Condé reste marqué par la tension persistante entre son gouvernement et les acteurs politiques et sociaux.
Le retard engendré dans la mise en place des institutions constitutionnelles prévues par la Constitution du 07 mai 2010 a aussi impacté le respect de nos engagements internationaux en matière des droits de l’homme. D’ailleurs, c’est de là que viendra plus tard la rupture entre lui et le peuple de Guinée entraînant la crise politique qui a débouché à sa chute à la suite du coup d’État militaire intervenu le 05 septembre 2021. Un putsch intervenu moins d’un an après sa réélection résultant d’un processus controversé pour un 3ème mandat jugé non conforme à l’esprit de la Constitution du 07 Mai 2010 et de la charte africaine de la démocratie, des élections et la gouvernance.
En effet, alors que la Constitution du 07 mai 2010 verrouillait toute possibilité pour tout Président d’exercer plus de deux mandats présidentiels consécutifs ou non, le Président Condé choisit de contourner cet obstacle par l’élaboration et l’adoption d’une nouvelle Constitution qui lui permettait de se présenter et remettre les compteurs de ses mandats à zéro. Un des prétextes qu’il avait utilisés à l’époque était que la constitution de 2010 n’avait pas été adoptée par référendum.
Des velléités qui n’avaient pas laissé indifférents les acteurs politiques et sociaux qui y voient des manœuvres dictées uniquement par sa volonté de se maintenir au pouvoir au-delà de ses deux mandats légaux. Ils se sont alors regroupés au sein de la plateforme intitulée le Front national pour la défense de la Constitution (FNDC) pour dénoncer cette situation et exiger du Président Condé le respect de la Constitution du 07 mai 2010.
Malgré les nombreuses protestations des membres de cette coalition de l’opposition et de la société civile à travers des marches qui ont parfois été réprimées dans le sang, Monsieur CONDÉ a fait le forcing pour imposer une nouvelle Constitution qui lui a permis d’être réélu dans un climat de violence et de tensions.
La suite, on la connaît tous comme souligné plus haut. C’est à peu près la même voie qu’emprunte le CNRD en écartant la charte de la transition au profit de la nouvelle Constitution.
IV. Le rôle de la Femme dans la politique Guinéenne et sa contribution à la société civile
L’histoire de la femme Guinéenne, notamment celle relative à son implication dans la vie politique et dans la société civile, est riche d’enseignements.
C’est un sujet pertinent de par son importance. Il faut l’aborder sur des aspects fondamentaux.
L’apparition de la femme dans la politique en Guinée n’a été visible que lors de la lutte pour la conquête de l’Indépendance de notre Pays. Cette lutte fut marquée par un tribalisme dont les stigmates sont encore persistants dans la construction d’un État de droit. C’est un véritable facteur de blocage de ce processus qui est l’objectif de la démocratie.
À propos, il est important de noter le rôle de sauvegarde de la Nation joué par les femmes, toutes les fois que celle-ci a été ébranlé par les antagonismes politiques nés essentiellement du tribalisme. Il faut attribuer aux femmes ce mérite dû certainement aux liens de mariages inter-ethniques et à l’instinct maternel.
En ce qui concerne la lutte pour l’acquisition de notre indépendance, il faut retenir que plusieurs figures féminines ont marqué cette étape qui fut dominée par un populisme sans pareil. En outre, les femmes étaient au centre de ce combat historique, bien qu’elles étaient quasiment analphabètes. Nous pouvons citer quelques porte flambeaux : M’Balia Camara et Mafory Bangoura.
Toutefois, il convient de souligner que les femmes intellectuelles ont joué un rôle déterminant à cette époque dans le sens de l’organisation des masses féminines à la base. Cela a aidé dans la naissance de l’Unité Nationale avant le référendum du 28 septembre 1958 à l’issue duquel le « Non » à la communauté proposée par la France a remporté à plus de 95%. Ces femmes étaient en grande majorité, des institutrices et des infirmières. Nous pouvons en citer quelques-unes : Loffo Camara, Jeanne Martin Cissé, Hadja Mariama Sow, Fatou Aribot, Djedoua Diabaté.
Sur le Plan Géographique, la Guinée est un Pays dont le sol et le sous-sol sont riches et denses avec en première ligne l’or, le diamant, la bauxite, le fer et tant d’autres matières premières. En plus, son hydrographie est fascinante avec 1163 Cours d’eaux qui alimentent la quasi – totalité des Pays voisins. Elle donne également au pays, plus de 7 000 000 de terres arables. La population guinéenne est aujourd’hui estimée à plus de 14 millions d’habitants avec 52% de femmes. Les espaces vitaux du pays ne sont encore couverts qu’à 1/3.
Cependant et en dépit de cette magnanimité de la nature, le pays tarde à accéder au développement depuis 66 ans d’indépendance, en raison de déficits en politiques publiques et en leadership approprié. Ce fait se justifie également par les contradictions majeures entre acteurs politiques et Gouvernants.
Il en résulte une persistance des paradoxes de disposer de tant de richesses naturelles et d’être incapable d’offrir le bien être aux populations. C’est le sujet fondamental des débats politiques qui interpelle les acteurs politiques et sociaux de notre pays classé dans la rubrique des pays les moins avancés de l’Afrique subsaharienne. Cette situation avait besoin de riposte. Il fallait alors amorcer la démocratie et la construction d’un État de droit, qui sont, en principe, les seules voies d’aboutissement rapide au développement.
À la faveur des changements politiques intervenus en 1984, il est important de comprendre que la première transition politique a été marquée par l’adoption d’une loi fondamentale en 1991. C’est ce qui a favorisé l’émergence de la démocratie pluraliste en Guinée.
Il est important de noter que le préalable qu’est la formation civique, n’a pas été au cœur du processus démocratique déclenché par la loi fondamentale et la Nation en a fait lourdement les frais jusqu’aujourd’hui.
La première hypothèse faite par les analystes de l’époque, mettait en exergue la nécessité de consolider les bases de la démocratie par le développement du civisme. Cela a donné naissance à la loi L/2005/013/AN fixant le régime des associations et des mouvements. C’est l’origine de l’avènement en Guinée des organisations de la société civile qui regroupent des associations et mouvements indépendants des Gouvernements, des Entreprises et des Partis Politiques.
À partir de cette idée générale sur l’histoire, la géographie et la vie politique de la République de Guinée, nous estimons que toute analyse sur le rôle de la femme dans la politique et dans la société civile, peut être aisément déclinée.
– La Femme dans la politique de 1958 à 1984 : La période allant de 1958 à 1984 en Guinée est marquée par la présidence de Sékou Touré, qui a dirigé le pays après son indépendance obtenue en 1958 suite au « non » catégorique du peuple de Guinée. Cette période a connu des avancées significatives en termes d’implication des femmes guinéennes en politique au titre de l’émancipation de la femme africaine sous le joug du parti-Etat.
Il faut préciser que le parti-Etat avait engagé la Guinée dans une voie socialiste et dans une dynamique de révolution culturelle axée sur l’enseignement de masse et le culte de la personne. Le plus important est qu’il prônait l’égalité des sexes, la lutte contre les oppressions et l’implication dynamique des femmes dans la politique. Elles étaient considérées comme le baromètre de la société et encouragées en tant que telles à s’engager dans les structures politiques locales et nationales, notamment dans des organisations internationales se rapportant au genre féminin.
Au sein de l’administration et de la gestion des entreprises d’Etat, les femmes ont occupé de très hautes fonctions : Madame Sow Faly Kesso Bah en fut une illustration avec le poste de vice-gouverneure de la Banque Centrale de la République de Guinée. Certaines ont été nommées Gouverneures de Région, Ambassadrices, Directrices nationales de Services Publics et Cheffes d’entreprises. La représentativité était également remarquable dans les rangs des forces de défense et de la sécurité ainsi qu’à l’Assemblée Nationale.
Le parti État a surtout créé des organes spécifiques pour les femmes, comme l’Union Révolutionnaire des Femmes de Guinée (URFG) dont la dernière Secrétaire Générale fut Hadja Mariama Sow. Il faut pour la circonstance, citer des éminences féminines de haut niveau intellectuel et culturel. Elles ont marqué la vie nationale par des grands actes comme la lutte contre la polygamie. Ce sont : Safiatou Mathos, Hadja Soba Keira, Hadja Bonki Camara, Fatou Koita, Djeli Kany Soumano, Mariama Ciré Diallo et Kadé Diallo ….
C’était pareil au niveau de la jeunesse dont les activités étaient coordonnées par un comité national. La dernière Secrétaire Générale fut Madame Koumba Diakité qui partageait le leadership avec des jeunes femmes dynamiques que sont : Madame Soumaré Saoudatou Keita et Madame Djènè Saran Camara.
Les membres des organes des femmes et de la jeunesse au niveau national avaient un statut de membres du comité central du Parti Unique et de l’Assemblée Législative. Cela élevait le taux de représentativité dans la gestion des Institutions de la République avec des démembrements au niveau des régions administratives sous les appellations suivantes : Comité Régional des Femmes et Comité Régional des Jeunes.
Ce processus visait une canalisation de la participation politique et sociale de la femme de Guinée à toutes les étapes décisionnelles.
Les échos de cette dynamique avaient dépassé les frontières de la Guinée pour se répandre sur tout le continent africain. Cela a valu à Madame Jeanne Martin Cissé d’être la première Présidente de l’Union Panafricaine d’Émancipation de la Femme de 1966-1970. Après avoir organisé cette plateforme au service de l’émancipation de la femme Africaine dans les pays membres de l’OUA, elle sera nommée Ambassadrice Permanente de la Guinée aux Nations Unies. C’est à ce poste qu’elle eût l’opportunité d’être Présidente de la Commission Onusienne de lutte contre l’apartheid et de ressortir les capacités des femmes à diriger et à trouver des solutions aux problèmes qui assaillaient le continent.
Après la mort, en 1977, de Hadja Mafory Bangoura, pionnière de la lutte pour l’acquisition de notre indépendance nationale et éternelle Ministre des Affaires Sociales, Madame Jeanne Martin Cissé regagnera le pays pour occuper les mêmes fonctions jusqu’en 1984.
La page noire de cette période fut la révolte des femmes contre la police économique après la suppression du commerce de détail par la révolution en 1975. En dépit du régime autoritaire mondialement reconnu, les femmes du marché Madina ont organisé une marche vers la Présidence de la République avec une bravoure sans pareille dans l’histoire du Parti Unique. Le résultat de cette marche fut l’abolition de la police économique et le retour au commerce de détail.
Les résultats positifs sont encore persistants dans la mesure où cette période a permis aux femmes de ressortir leurs talents oratoires et leur sens de l’organisation surtout sur le plan socio-culturel.
Toutefois, cette période de progrès eut des limites en dépit de la doctrine de l’égalité des sexes qui émaillait les discours, dans la mesure où les hautes fonctions étaient largement dominées par les hommes.
– La femme à l’avènement de la démocratie pluraliste et la société civile en Guinée :
L’avènement de la démocratie pluraliste est l’œuvre des gouvernants de la deuxième République, avec le Général Lansana Conté, Président de la République et Chef de l’Etat (1984-2008). Il faut noter que toute l’Afrique était sous le prisme de la mise en place des Institutions Républicaines émanant de la volonté des peuples exprimée volontairement par les urnes. C’était la fin des dictatures et des conférences nationales
s’organisait un peu partout sur le Continent.
– Etapes politiques avant l’avènement de la société civile : La contribution de la femme
dans la politique et les organisations de la société civile est à situer dans le contexte, après 26 ans de Parti Unique et 9 ans de transition militaire.
Il est important de mettre l’accent sur des figures féminines qui ont marqué la transition militaire entre 1984 et 1993 : Hadja Mariama Djelo Barry, Secrétaire d’Etat aux Affaires Sociales dans le deuxième Gouvernement de la seCondé République. Elle fut confrontée à l’héritage complexe de la première République. Hadja Aicha Porthos Bah, ministre de l’enseignement durant cinq ans a marqué d’une encre indélébile son passage à ce poste en créant entre autres les centres Nafa pour la promotion des filles à l’école. Elle fut la première femme a créé une ONG féminine en Guinée en 1986 : AFGRED (association des femmes de Guinée pour la recherche et le développement)
Pour les besoins d’analyses, il faut rappeler que la démocratie pluraliste qui est fondée sur la liberté d’opinion et d’expression, a déclenché une renaissance au plan de la vision individuelle et collective sur les questions d’ordre politique, économique et social en Guinée à partir de 1991 suite à l’adoption de la loi fondamentale. En effet, plus d’une centaine de partis politiques ont vu le jour et les femmes se sont retrouvées un peu partout sur la base de choix doctrinal ou subjectif.
Ainsi, les premières élections Présidentielles et législatives sur la base de la démocratie pluraliste ont eu lieu en 1993. Il est important de baser l’analyse sur les résultats des élections surtout législatives et sur celles qui ont suivi pour évaluer la participation et la contribution des femmes en politique.
Dans ce cadre, la représentation des femmes à l’Assemblée nationale en Guinée a progressé de manière lente mais régulière depuis 1993, en partie grâce aux efforts de la société civile et des organisations féministes pour promouvoir l’égalité des genres en politique. Cependant, elle reste en deçà de la parité et des objectifs fixés par certaines conventions internationales, comme la Déclaration de Beijing et les Objectifs de développement durable (ODD).
Voici les statistiques relatives à la représentation des femmes à l’Assemblée nationale de Guinée lors des différentes élections législatives depuis l’avènement du multipartisme en 1993 :
- Élections législatives de 1995 :
- ● Nombre total de députés : 114
- ● Nombre de femmes : 6
- ● Pourcentage de femmes : 5,3 %
- Élections législatives de 2002 :
- ● Nombre total de députés : 114
- ● Nombre de femmes : 19
- ● Pourcentage de femmes : 16,7 %
- Élections législatives de 2013 :
- ● Nombre total de députés : 114
- ● Nombre de femmes : 25
- ● Pourcentage de femmes : 21,9 %
- ● Cette augmentation est le résultat des plaidoyers pour une meilleure inclusion des femmes et des mesures incitatives pour améliorer leur participation politique.
- Élections législatives de 2020 :
- ● Nombre total de députés : 114
- ● Nombre de femmes : 28
- ● Pourcentage de femmes : 24,6 %
- ● Malgré une légère progression, les femmes restent sous-représentées par rapport aux standards internationaux.
– Etape d’avènement de la société civile : C’est sous le leadership de feu Sékou Ben Sylla que fut créée en 1992 à Dabola (avant la loi), la première Organisation de la Société Civile sous le sigle CNOSCG (Conseil National de l’Organisation des Sociétés Civiles en Guinée). Cette nouvelle Organisation ouvrait la voie vers une approche plus civique que politique sur l’état de la Nation qui exigeait des politiques publiques, une priorité à l’amélioration des conditions de vie des populations.
Madame Saran Daraba qui fut membre fondatrice, a donné un éclat particulier à cette Organisation par sa capacité d’analyse dans les débats sur toutes les questions vitales et historiques. Mais aussi, elle mettait l’occasion à profit pour aborder des sujets comme l’éducation de la jeune fille, l’excision et les violences faites aux femmes. Avec l’appui de l’USAID et de PSI. Elle a créé et préside la première coordination des ONG féminines de Guinée, la COFEG, constituée d’une quinzaine d’associations de femmes leaders dans tous les domaines socio professionnels de l’époque. Elle sera en 1996 membre du Gouvernement de redressement de l’économie avec en tête Sidya Touré, Premier Ministre Chef du Gouvernement et en 2010 première femme candidate aux élections Président ielles.
Le CNOSCG a été générateur de plusieurs Organisations de sociétés civiles et Associations qui ont pris part aux grands évènements socio- politiques. C’est bien cette prolifération qui donna naissance à la loi L/2005/013 relative aux associations et mouvements.
En tout état de cause, les défis demeuraient en termes de contribution des femmes guinéennes sur l’amélioration des conditions de vie des populations au centre de laquelle, elles se plaçaient au regard de leurs fonctions sociales. Ainsi, leur engagement dans les luttes pour la démocratie et les droits humains a été remarquable à partir de la crise économique et sociale de 2006-2007.
C’est bien dans ce cadre que la nouvelle génération rejoindra le CNOSCG pour lui donner une dimension qui franchit nos frontières. Cela résulte de la présence dans notre pays d’un groupe International de contacts dirigé par le Général Obasanjo Olusegun, (Ex Président du Nigeria) Ibrahima Fall, (Ex Ministre des Affaires Etrangères du Sénégal et Ancien Fonctionnaire des Nations Unies) et Saïd Djinnit, Facilitateur des Nations Unies. Le pays était au bord de l’effritement avec des manifestations en cascades soutenues par les villes mortes. A cet effet, la collusion entre les forces de l’ordre et les manifestants en janvier 2007 au pont du 8 Novembre, a fait déborder le vase avec 27 morts.
Les éminences féminines qui ont rejoint le CNOSCG à cette période critique que traversait la Nation sont entre autres deux femmes chefs d’entreprises très engagées dans la société civile : Madame Mariama Diallo Sy, et Madame Fatou Baldé Yansané. Leur objectif était de participer activement à la lutte pour la délivrance de la Nation des grands obstacles à la démocratie et à son développement.
Il faut surtout citer les efforts remarquables de feue Rabiatou Serah Diallo qui était à la tête d’un mouvement syndical. Les revendications catégorielles et sociales ont favorisé un jumelage entre syndicats et Organisations de la société civile pour donner naissance aux forces vives nouvelles au sein desquelles, les partis politiques prenaient part. Ce puissant bloc commun a réussi à imposer un gouvernement de large consensus en 2007 avec Lansana Kouyaté comme Premier Ministre.
La lutte pour l’avènement réel d’un Etat de droit s’est accentuée à partir de 2009 suite à la prise du pouvoir par l’armée sous le sigle du CNDD (Conseil National pour la Démocratie et le Développement) avec à sa tête le capitaine Moussa Dadis Camara.
Les dérives excessives sur le processus démocratique orchestrées par la junte militaire ont eu pour effet, la naissance d’une forte coalition des forces vives de la nation contre cette situation qui risquait de mettre le pays en péril.
Les réponses à ces dérives furent des dénonciations par voie de presse surtout par les femmes. C’est ce qui a amené la nouvelle coalition à organiser un meeting le 28 septembre 2009 au stade du 28 septembre de Conakry avec un seul objectif : retour à l’ordre constitutionnel et non à la participation de la junte aux élections. Ce meeting a été réprimé dans le sang et le bilan de ce massacre est le suivant : plus de 150 morts, 300 blessés graves parmi lesquels figuraient les leaders, des centaines de femmes violées, sans compter les disparus etc.
Cet évènement triste a attiré l’attention de la communauté internationale et par la suite, une enquête a été menée par une Commission dont le rapport a servi au procès organisé entre le 28 septembre 2022 et le 31 juillet 2024, à la suite de la prise du pouvoir par le Colonel Mamady Doumbouya.
Plusieurs femmes étaient dans cette lutte qui a conduit à une deuxième transition politique menée par un gouvernement d’union nationale dirigé par le Général Sékouba Konaté et Dr Jean Marie Doré, respectivement chef de l’Etat et premier ministre.
Il faut noter dans ce processus, une très forte présence des femmes des organisations de la société civile au sein de ce gouvernement d’union nationale justifiée par leur implication effective dans la lutte de cette étape. L’objectif de leur présence dans ce gouvernement était d’assurer la continuité de leurs actions jusqu’à l’avènement de la véritable démocratie dans notre pays. Nous pouvons citer Mesdames : Mariama Diallo Sy (Ministre de l’Hôtellerie du Tourisme et de l’artisanat), Mariama Penda Diallo (Ministre d’Etat de la Fonction Publique et du Travail), Djenabou Saifon Diallo (Ministre du Plan et de la Coopération Internationale), Nanfadima Magassouba (Ministre des Affaires Sociale la Promotion Féminine et de l’Enfance) et Pr. Mariama Béavogui (Ministre de la Santé et de l’Hygiène Publique).
Dans le même ordre, le Conseil National de la Transition (CNT) 2009-2010 était présidé par feue Hadja Rabiatou Serah Diallo. Elle sera après la transition nommée Présidente du Conseil Economique, Social et Environnemental de 2013 à 2021.
Les grandes figures féminines sont nombreuses et elles ont des traces indélébiles dans le processus de la démocratie pluraliste en Guinée. Elles ont également contribué au retour de la Guinée dans la dynamique de l’émancipation de la femme africaine avec les nouvelles valeurs puisées dans notre histoire particulière en la matière. L’on peut indexer Mesdames :
● Pr Kadiatou lamarana Diallo, première femme géographe et environnementaliste, directrice de la promotion féminine avec la ministre de la promotion féminine Madame Yvonne Condé. Elles ont réussi à mobiliser la plus forte délégation africaine pour les préparatifs du sommet en 1994 à Dakar et pour Beijing en 1995 en Chine.
● Makalé Camara, ex ministre et ambassadrice au Sénégal et en France puis candidate aux élections Présidentielles de 2020.
● Makalé Traoré, militante de parti politique, présidente du Refamp (Réseau des femmes africaines ministres et parlementaires et de la Coffig) avant d’être ministre, directrice de la campagne Président ielle du Professeur Alpha Condé et candidate à l’élection Président ielle de 2020
L’on ne saurait conclure sans parler des trois facilitatrices nommées par le Président Mamadi Doumbouya pour organiser le dialogue inclusif en 2022.
C’est bien grâce à toutes ces éminences que les femmes de Guinée ont pu jouer un rôle majeur dans les partis politiques et Organisations des sociétés civiles dans le but de mettre un terme à la dictature et à la mal gouvernance. Ce fut le fondement de la transition politique de 2010 qui a conduit le Pr Alpha Condé au pouvoir qui prendra fin le 05 Septembre 2021.
Le rôle des femmes dans la vie politique en Guinée doit être désormais perçu comme une voie de stabilité qui garantira le progrès économique et social. En étendant cette dynamique de la société civile, cela vise le développement d’un leadership féminin capable de catalyser le changement et d’assurer la protection des couches vulnérables par des plaidoyers sur les axes : éducation, santé, lutte contre le chômage, protection de l’environnement, inclusion financière et entreprenariat surtout en milieu rural.
De ce qui précède, il ressort que le rôle des femmes dans la politique et dans la société civile en Guinée a donné des résultats au plan des mutations qui ont marqué l’histoire récente du pays. Les perspectives doivent être centrées sur la promotion d’une gouvernance inclusive basée sur la planification et la mise en œuvre des projets de développement sur la base d’approche participative et inclusive.
V. Quelles perspectives pour l’avenir politique et social de la Guinée ?
La Guinée a connu plusieurs coups d’État et transitions politiques depuis son indépendance en 1958. Le premier Président, Ahmed Sékou Touré, a instauré un régime autoritaire, marquant le début d’une période de répression politique. Après sa mort en 1984, le colonel Lansana Conté a pris le pouvoir par un coup d’État, dirigeant le pays jusqu’à sa mort en 2008. Son règne a été caractérisé par la corruption et des violations des droits de l’homme. A la mort de Conté, le processus de transition politique n’a pas pu se mettre en place, perturbée qu’elle a été par un nouveau coup d’État en décembre 2008, orchestré par le capitaine Moussa Dadis Camara.
Ce dernier a promis des réformes, mais son régime a été marqué par des violences, notamment le massacre de manifestants en septembre 2009. Après une tentative d’assassinat en décembre 2009, Camara a été contraint de quitter le pays, et une nouvelle transition a été mise en place sous la direction d’un gouvernement de transition. En 2010, des élections démocratiques ont eu lieu, aboutissant à l’élection d’Alpha Condé, le premier Président démocratiquement élu de Guinée. Cependant, son mandat a été entaché par des tensions politiques croissantes et des accusations de dérive autoritaire.
En 2020, Condé a modifié la constitution pour briguer un troisième mandat, provoquant des manifestations et des violences. Le 5 septembre 2021, intervenait à nouveau un autre coup d’État militaire renversant le Président Alpha Condé par les forces spéciales, dirigées par le colonel Mamady Doumbouya. Dans la foulée, ce dernier justifiait cette action par la corruption et la mauvaise gouvernance.
Le pays fait face à des défis majeurs en matière de gouvernance et de démocratie. Les tensions politiques, exacerbées par des élections contestées et des violations des droits humains, minent la confiance des citoyens envers les institutions. La corruption endémique et l’absence de transparence entravent le développement économique et social. De plus, l’instabilité politique alimente les conflits. La transition vers une gouvernance inclusive et respectueuse des droits fondamentaux est essentielle pour renforcer la démocratie et favoriser la
réconciliation nationale. Un dialogue constructif entre les acteurs politiques et la société civile est nécessaire pour surmonter ces obstacles.
La nation est confrontée à de nombreux défis sociaux importants. La pauvreté demeure un défi majeur parmi ceux-ci, affectant une grande partie de la population. En dépit de la richesse des ressources naturelles, l’accès à l’éducation et aux soins de santé est restreint, ce qui aggrave les disparités. La persistance des pratiques de corruption dans les organismes publics entrave le progrès et la confiance des citoyens envers le gouvernement.
En outre, les tensions ethniques et politiques, souvent amplifiées par des élections contestées, font que le pays se caractérise de manière épisodique par des actes de violence et des manifestations. Le taux de chômage, notamment chez les jeunes, favorise un sentiment de désespoir et d’incertitude.
Il est également fréquent de négliger les droits des femmes et des jeunes, ce qui restreint leur participation à la vie sociale et économique. Finalement, les enjeux environnementaux, comme la déforestation et la gestion des déchets, aggravent la situation sociale, affectant la qualité de vie des Guinéens.
Il est primordial de consolider les institutions démocratiques afin de garantir la stabilité politique et le développement durable du pays. Il est essentiel d’adopter une approche globale, en mettant en avant la transparence, la responsabilité et l’inclusion. Il faut mettre en œuvre un cadre juridique solide afin d’assurer des élections libres et équitables, tout en renforçant l’indépendance de la justice.
Il est aussi recommandé la participation des citoyens en mettant en place des dispositifs de consultation et d’implication communautaire. La réconciliation et le dialogue national pourront être un levier essentiel dans la réduction des tensions politiques et sociales dans le pays. Depuis la prise du pouvoir par le Comité national du rassemblement et du développement (CNRD) en septembre 2021, des actions ont été entreprises pour rassembler les diverses parties prenantes, telles que les partis politiques, la société civile et les organisations internationales.
L’objectif de ces échanges est de parvenir à un accord sur la transition politique, la préparation des élections et la préservation de la paix. La lutte contre la corruption, la justice sociale et la réconciliation des communautés sont des enjeux majeurs. Malgré les progrès réalisés, des obstacles demeurent, tels que la méfiance entre les acteurs politiques et les inquiétudes liées aux droits de l’homme. La réussite de ce dialogue garantira la stabilité durable et un avenir pacifique pour la Guinée.
Avec une population estimée à plus de 14 millions d’habitants, le pays est composé de plusieurs groupes ethniques, chacun apportant ses propres traditions et valeurs. Cette diversité est une source de richesse potentielle, mais elle peut également engendrer des tensions, notamment en matière de politique et de répartition des ressources.
Sur le plan économique, la Guinée est riche en ressources naturelles, notamment en bauxite, en or et en diamant. Cependant, la majorité de la population vit dans la pauvreté, avec un accès limité aux services de base tels que l’éducation et la santé. Les inégalités socio-économiques exacerbent les frustrations et alimentent des mouvements sociaux, souvent en réponse à la corruption et à la mauvaise gouvernance.
La situation politique a un impact significatif sur les perspectives sociales. Les tensions entre les différents groupes ethniques et politiques ont conduit à des manifestations et à des violences, particulièrement lors des élections. La transition vers la démocratie reste fragile, et les droits de l’homme sont souvent bafoués, ce qui alimente un climat de méfiance envers les institutions.
Malgré ces défis, la société guinéenne montre des signes de résilience. Les organisations de la société civile s’engagent dans la promotion des droits humains et la sensibilisation aux enjeux sociaux. De plus, la jeunesse guinéenne, de plus en plus éduquée et connectée, aspire à un changement positif et à un avenir meilleur, ce qui pourrait être un moteur de transformation sociale dans les années à venir.
Cet engagement collectif pour un avenir meilleur en Guinée repose sur la solidarité, la responsabilité et l’innovation. Face aux défis socio-économiques, politiques et environnementaux, il est essentiel que chaque citoyen, organisation et institution s’unisse pour promouvoir un développement durable. Cela passe par l’éducation, qui doit être accessible à tous, afin de former une jeunesse consciente et active.
La participation citoyenne est cruciale pour renforcer la démocratie et garantir que la voix de chacun soit entendue. De plus, la protection de l’environnement doit être au cœur des préoccupations, avec des initiatives visant à préserver les ressources naturelles et à lutter contre le changement climatique. Enfin, le soutien aux initiatives locales et aux entrepreneurs guinéens peut stimuler l’économie et créer des emplois. En travaillant ensemble, les Guinéens peuvent bâtir un avenir prospère, inclusif et durable pour les générations à venir.
Pour favoriser l’évolution politique et sociale de la Guinée, il est fondamental de promouvoir un dialogue inclusif entre toutes les parties prenantes, y compris les jeunes et les femmes. La mise en place d’institutions démocratiques solides et transparentes renforcera la confiance des citoyens. La décentralisation du pouvoir permettra une meilleure gestion des ressources locales. Parallèlement, investir dans l’éducation et la santé est crucial pour améliorer le bien- être des populations. Enfin, encourager la société civile et les médias indépendants contribuera à une meilleure gouvernance et à la lutte contre la corruption, favorisant ainsi un climat de paix et de stabilité.
La Guinée traverse une période d’incertitude politique, marquée par des tensions sociales et des aspirations à des réformes. L’émergence de nouveaux leaders dépendra de plusieurs facteurs, notamment la volonté des acteurs politiques de dialoguer, la mobilisation de la société civile et l’engagement de la communauté internationale.
Les jeunes, en particulier, jouent un rôle crucial dans la demande de changement. Cependant, les défis économiques et les divisions ethniques peuvent freiner ce processus. Si des conditions favorables se présentent, telles qu’un cadre électoral transparent et inclusif, il est possible de voir émerger de nouveaux leaders et des réformes significatives.
L’avenir de la Guinée s’annonce à la fois prometteur et incertain. Les richesses naturelles du pays, notamment en minerais, offrent un potentiel économique considérable. Cependant, la stabilité politique et la gouvernance demeurent des défis à surmonter. La participation citoyenne et le renforcement des institutions démocratiques seront déterminants pour favoriser un développement inclusif. De plus, l’investissement dans l’éducation et la santé contribuera à améliorer la qualité de vie des Guinéens. En cultivant un climat de confiance et de coopération, la Guinée peut aspirer à un avenir prospère, où ses ressources profitent à tous ses citoyens.
Ont participé à la rédaction
- Mariama Diallo SY
- Amadou BAH
- Boubacar Sanso BARRY
- Mahamoud TOURE
- Alseny SALL
- Sékou KAMANO
- Jacques Lewa LENO