Leguideinfo.net : Ce qui devait être un partenariat stratégique entre une grande société de production de ciment et une entreprise locale de logistique s’est transformé en un imbroglio judiciaire aux multiples ramifications. L’affaire, qui implique des avocats guinéens de renom, est désormais pendante devant la Cour des Répression des Infractions Économiques et Financières (CRIEF). Vol en bande organisée, faux et usage de faux, émission de chèques sans provision, complicité supposée entre avocats et même une tentative d’enlèvement : les chefs d’accusation sont lourds et les débats s’annoncent explosifs.
C’est l’histoire d’un contrat d’apparence banale, aux conséquences inattendues
En juin 2023, Syli Ciment, une société industrielle établie en République de Guinée, active dans la production de ciment, engage Guinean Power Multi-Services (GPMS SARL) pour assurer le transport de ses matières premières. Le contrat conclu entre les deux entités inclut une clause d’exclusivité ainsi qu’un protocole de non-contournement visant à protéger GPMS contre toute tentative de déstabilisation contractuelle.
Cependant, Syli Ciment aurait violé ses engagements en traitant directement avec le sous-traitant recruté par GPMS, la société de Transport Condé Alimou SARLU (TCA). Selon Kabinet Diané, PDG de GPMS, cette manœuvre visait à écarter son entreprise tout en continuant à bénéficier des prestations logistiques. Une lettre d’opposition est alors adressée à Syli Ciment par GPMS pour non-respect des termes contractuels et non-paiement des prestations dues.
C’est le début des hostilités judiciaires
Sur recommandation d’un proche, Kabinet Diané engage Me Moussa Sidibé pour défendre les intérêts de sa société. L’avocat réussit à faire notifier une mise en demeure à Syli Ciment, mais sans effet. Une sommation interpellatrice est également adressée, mais reste toujours infructueuse. L’affaire est alors portée devant le tribunal de Commerce de Conakry, où une ordonnance de saisie conservatoire est obtenue.
Mais la stratégie de Me Sidibé est rapidement remise en question par son client. Selon M. Diané, l’avocat aurait affirmé qu’un juge avait refusé sa requête, alors qu’aucune requête n’avait été introduite, indique le plaignant. Cette révélation pousse le jeune entrepreneur à faire reprendre la procédure par le même avocat. La nouvelle requête aboutit à une saisie conservatoire sur les biens meubles et incorporels de l’entreprise Syli Ciment.
Toutefois, une erreur d’exécution surgit : la saisie est faite à Coris Bank, alors que le principal compte de Syli Ciment est domicilié chez VISTAGUI. Seuls six millions de GNF sont retrouvés sur le compte saisi, un montant insignifiant face aux milliards de francs guinéens réclamés.
Un climat de méfiance et d’accusations graves s’installe
La relation entre Kabinet Diané et Me Sidibé se détériore. M. Diané apprend que son avocat avait auparavant défendu son adversaire Syli Ciment, ce qui lui fait suspecter une connivence. Il décide de changer de conseil. Le cabinet de Me Kabinet Kourala Keïta est alors sollicité. Ce dernier confie le dossier à son associé, Me Bernard Saa Dissi Millimouno, puis Me Oumou Koultoumy Conté vient renforcer l’équipe.
GPMS lance une nouvelle action au fond contre Syli Ciment pour le paiement d’une facture de 7,2 milliards GNF et 50 millions GNF de dommages et intérêts. Elle obtient gain de cause, mais accuse Me Sidibé de ne pas avoir inclus la clause d’exécution provisoire dans ses conclusions, rendant la décision inopérante.
Kabinet Diané affirme également que l’avocat aurait refusé de produire le contrat liant GPMS à Syli Ciment, ce qui a permis à la défense adverse de contester l’existence d’un lien contractuel. Pour lui, cela constitue une nouvelle trahison, qu’il n’est pas prêt à admettre. Il faut agir pour limiter les dégâts.
La CRIEF est alors saisie d’une plainte explosive, impliquant plusieurs personnes dont des avocats.
Le 17 janvier 2025, l’affaire prend une nouvelle tournure. Kabinet Diané dépose une plainte devant la CRIEF contre plusieurs avocats et responsables de Syli Ciment. Les chefs d’accusation sont lourds : vol en bande organisée, complicité, faux et usage de faux, émission de chèque sans provision d’un montant de plus de 7,2 milliards GNF, et même tentative d’enlèvement avec la complicité d’un homme en uniforme.
GPMS affirme que les retards de paiement, ajoutés aux pénalités contractuelles, font grimper la dette à plus de 194 milliards GNF. « Chaque trois jours, le montant s’accroît de 5 % depuis l’émission de la facture », affirme la société dans sa plainte dont nous détenons copie.
Les avocats contre-attaquent.
Nous avons sollicité les avocats cités dans la plainte. Me Bernard Saa Dissi Millimouno dément toute malversation et annonce une plainte contre Kabinet Diané pour diffamation. « Si jamais il est prouvé que j’ai échangé avec la partie adverse sur ce dossier, je ne porterai plus la robe d’avocat. Cela voudra dire que je ne suis pas digne d’être avocat », promet-t-il. Me Millimouno. Il prie les autorités en charge de ce dossier, d’accélérer la procédure. Pour lui, « la plainte est vouée à l’échec ».
Me Oumou Koultoumy Conté, jointe par téléphone depuis l’étranger, nie également toute implication dans une quelconque combine et prévoit aussi de saisir la justice contre son ancien client. « Il verra de quels bois je me chauffe !»
Me Moussa Sidibé, quant à lui, refuse tout entretien avec la presse, estimant que seule une plainte formelle pourrait l’obliger à répondre.
De son côté, Me M’Bomby Mara, avocat de Syli Ciment, rejette toute nos sollicitations tout en remettant en cause notre statut de journalistes. Le représentant de Syli Ciment, Baïlo Sow, est resté injoignable, durant toute la procédure.
Une affaire qui pourrait ébranler le barreau guinéen
Au-delà du conflit entre entreprises, c’est la crédibilité de certaines pratiques judiciaires et la confiance des justiciables envers leurs avocats qui sont remises en question. Si les faits reprochés sont confirmés, ils pourraient constituer un précédent historique pour la profession d’avocat en République de Guinée.
L’affaire est actuellement en cours d’instruction préliminaire à l’Office de Répression des Délits Économiques et Financiers (ORDEF). Le 25 mars dernier, le procureur spécial près la CRIEF, Aly Touré confirme la saisine, sans se prononcer sur le fond.
Le lundi, 17 février 2025, un avocat guinéen a été radié du barreau. La carte professionnelle de Me Modibo Camara a été retirée suite à une pour abus de confiance par un client.
Enquête à suivre…
Mamoudou Boulléré Diallo
Tél : +224 620 48 07 07
Merci beaucoup pour l’information