Leguideinfo.net : le week-end dernier, des retrouvailles hautement historiques se sont produites au Centre Culturel Franco-Guinéen (CCFG) à Conakry. Il s’agit de celle de la descendance du Prince Abdul Rahman Barry du Timbo, capturé et réduit en esclave aux États-Unis. Le fils d’Ibrahima Sory Maoudho obtiendra sa liberté après 40 ans de lutte. Il a bénéficié de beaucoup d’aides notamment du sultan marocain et il va mourir au Liberia avant d’atteindre son Timbo national. Petit Tonton et ses collègues de KoumaKan (maison de l’oralité) ont produit un spectacle inédit, qui retrace l’histoire d’un Prince parmi les esclaves. Ce qu’ils ont fait avec brio, selon les témoignages de l’assistance. Devant un public cosmopolite, Petit Tonton et son équipe ont presté durant une heure d’horloge. Peu avant, le spectacle, Anne Dudte, chargée des affaires à l’ambassade des USA en Guinée a prononcé un discours qui retrace le contexte de l’événement.
« L’histoire du prince Abdul Rahman est celle de la souffrance et de la persévérance, mais aussi de la compassion et de la violation. Elle montre l’humilité dans la plus grande lumière et dans le plus sombre. Suite à la journée internationale des droits de l’homme, la lutte du Prince Abdul Rahman pour sa liberté nous invite à réfléchir sur l’esprit de la démocratie, celui de défendre l’égalité, le respect et la valeur de chaque individu. Son parcours remarquable nous offre de leçons précieuses à la jeune génération, leur enseigne à rejeter l’injustice sous toutes ses formes en particulier les trafics humains. Une nouvelle forme moderne de l’esclavage une réalité douloureuse pour toutes les personnes. La tragédie de l’enlèvement d’Abdul Rahman nous rappelle avec force que le droit de vivre librement sans crainte d’être détenu sans raison est essentiel à la dignité et à la sécurité de chaque individu peu importe l’époque ou le lieu. L’ambassade des États-Unis est honorée de soutenir ce spectacle qui donne vie non seulement à notre histoire partagée mais aussi au lien durable entre la Guinée et les États-Unis », déclare Madame Anne Dudte, chargée des affaires à l’ambassade des USA en Guinée.
Le sous-secrétaire adjoint pour l’Afrique de l’Ouest au bureau des affaires africaines du département d’État Américain, se réjouit de la réussite de l’évènement qui suit depuis deux ans. Il déclare que « le parcours du Prince Abdul Rahman est une source d’inspiration pour les jeunes générations qui doivent lutter continuer à se battre pour un monde plus juste et plus égalitaire », indique Michael Heath, Sous secrétaire d’état adjoint au bureau des affaires africaines pour l’Afrique de l’Ouest
Place au spectacle captivant, pleins de surprises. Le public retient son souffle, un silence s’empare de la salle pourtant bien remplie des spectateurs, les lumières sont rédigées avec condition vers les acteurs. Les flashs de téléphones et les live interdits pour éviter de perturber les artistes. Dans le public se trouvent 13 représentants de la descendance du Prince Abdul Rahman Barry venus des États-Unis et plusieurs autres venus de Timbo et ailleurs. Petit Tonton fait son entrée avec une équipe, une voix mélodieuse installée dans la foule difficile à détecter. C’est celle de l’artiste qui fait le couplet « Niandégo » qui signifie un autre jour, une mélodie qui retentit de façon suave dans la salle qui rappelle une certaine légende de la musique guinéenne du nom Baldé Sadio. Il a fallu la fin pour savoir que la musique n’était pas préenregistrée. Des instruments choisis pour leur authenticité. Le public est choqué de découvrir cet autre talent. Les jeux de lumière, les costumes, le texte, la musique de fond, bref une mise en scène presque parfaite pour séduire le célèbre écrivain Tierno Monénembo et tant d’autres.
« C’était un excellent spectacle. Tout était beau, le geste scénique, le décor, l’histoire est poignante, c’est notre histoire. J’ai appris beaucoup de choses. Je ne savais pas que Abdul Rahman était passé par Dominique, je pensais qu’il était passé par la Nouvelle Orléans. Je ne savais pas non plus qu’il avait d’autres compagnons de soldats de Timbo. Je me suis diverti, j’ai appris », témoigne Thierno Saidou Diallo dit Tierno Monénembo.
Les principaux bénéficiaires affichent une mine de satisfaction après le spectacle.
C’est un pari gagné pour le haut conseil des sages de Timbo. L’objectif du projet est de faire réunir la descendance du prince et cela est en cours de réalisation.
« C’est des retrouvailles, rendre hommage à notre ailleur (le Prince Abdul Rahman) et rappeler les bons souvenirs de ses descendants. Vous savez, c’est un homme de trois pays. Il est né en Guinée, il a vécu 40 ans aux États-Unis et il est mort au Libéria. Et on ajoutera à ces trois pays, le Maroc qui a été l’intermédiaire pour sa libération. Donc c’est un universel, aujourd’hui il (Le Prince de Timbo), n’appartient plus à une famille », explique Elhadj Mody Sory Barry du haut conseil des anciens de Timbo, qui explique les descendants du prince établis au Libéria n’ont pas pu effectuer le déplacement pour des raisons « des frontières », mais que treize des descendants sont venus des États-Unis venus rendre hommage au Prince de Timbo.
La princesse Karen chatman, descendante du prince Abdul Rahman est à son deuxième voyage sur la Guinée. Elle est marquée par le niveau de pauvreté et surtout celui de l’éducation des femmes. Elle se donne désormais la mission de contribuer à un changement positif avec l’appui du département d’État américain.
« J’ai vu la pauvreté, moins d’éducation pour les femmes. Ce sont des choses qui me touchent énormément. En tant que princesse, je vais utiliser ma plateforme pour avoir des ressources qu’il faut pour contribuer à l’éducation des femmes dans ce pays, réduire la pauvreté et aider les sans-abris. J’aimerais retourner aux États-Unis afin de demander au département d’État de continuer à soutenir les Guinéens afin d’avoir l’éducation qu’il faut, parce que pour se développer il faut une éducation », s’engage la princesse Karen chatman.
Un travail d’équipe exigeant qui a mis le monde en contribution. L’acteur principal ne se laisse pas gagner par l’euphorie.
« On a fait un mois de résidence d’écriture et un mois de création. On était censé aller en tournée avant le 14 décembre. On était censé aller jouer à N’zérékoré, à Kankan, à Mamou et à Labé ensuite terminé par ici (Conakry). Mais à cause des incidents de stade de N’zérékoré, (le drame du premier décembre 2024) on a commencé par Conakry ensuite on va aller jouer à l’intérieur du pays. Faire un spectacle, c’est une étape de franchie. Un spectacle c’est des étapes. Ça c’est une sorte de sortie de résidence pour nous, ensuite le spectacle va faire son chemin au fur et à mesure. Il va être rodé, on va rajouter des choses, on va enlever d’autres », explique l’artiste Petit Tonton.
Au tour de Habibatou Bah de bondir sur le même élan. Celle qui a mis en scène les scénarios, dit attendre le retour du public pour prendre des notes. « On a fait une partie du travail pour le moment. Un spectacle n’est jamais totalement terminé. On va continuer à retravailler les endroits que nous estimons n’ont pas forcément juste », promet-t-elle.
Le spectacle a été suivi par d’autres événements non moins importants avec l’implication notamment du ministère guinéen de la culture, de l’artisanat et du patrimoine histoire qui a organisé un symposium en hommage à la figure emblématique du foutah, le Prince Abdul Rahman de Timbo. Un véritablement d’échange et de partage de cultures.
Mamoudou Boulléré Diallo
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