Leguide.info : Journaliste et activiste des droits de l’Homme, actuellement Directrice de l’information de la radio Espace Fm Guinée, présidente de l’ONG Femmes, Développement et Droits Humains en Guinée (F2DHG). Moussa Yéro Bah, est passionné par la lecture et l’écriture depuis toute petite au collège à Caravansérails dans la Préfecture de Kindia. Diplômée en Linguistique de l’Université Julius Nyéréré de Kankan (République de Guinée). La native de Kindia a fait ses études primaires à Wondy 1 et 2, celles secondaires au lycée 28 septembre avant d’être orientée en sciences sociales à l’Université.
De la passion au métier de Moussa Yéro Bah :
La petite fille qui écoutait et enregistrait les grandes voix de la Radiodiffusion Télévision Guinéenne (RTG), pour les décrypter et présenter « son journal » autour du mât le lendemain est finalement devenue journaliste. Comme toujours elle ne démissionne pas.
« Le destin a commencé à s’exécuter dans le Nabaya (Kankan profond) presqu’en fin de cycle. Lors d’un tournoi inter-universitaire, j’ai été repérée alors que je commente un match de football, par le grand journaliste sportif, Amadou Djouldé Diallo. Impressionné, il m’a ainsi conseillée de postuler pour un stage à la RTG à la fin de mes études. C’est ainsi que j’ai vu mon rêve d’être journaliste se concrétiser mais c’était sans compter sur les aléas de la vie», se souvient Moussa Yéro Bah.
Animatrice Communautaire :
« Neuf mois plus tard, je passerai un test pour être recrutée à Fria comme animatrice communautaire au sein de l’ONG internationale Aide et Action Guinée. J’y travaillerai pendant un an et neuf mois avant d’être mutée à Dubréka puis à Kindia comme animatrice parrainage ».
Pour des raisons de maternité, elle va rentrer à Conakry où elle commence à donner des cours de français dans différents établissements pendant neuf ans avant de reprendre le micro pour exercer le journalisme, sa passion, nous sommes en 2012, d’abord à Familia Fm, puis à Planète Fm (où elle été la rédactrice en cheffe et Directrice de l’Information) et enfin elle rejoint Hadafo-Médias, l’empire média du pays Espace Fm.
Espace FM, du rêve à la réalité :
« A l’époque, bien qu’étant dans un autre média à grand écoute, je nourrissais le rêve de travailler dans le plus grand média de Guinée, en l’occurrence, radio espace ! J’échoue lors d’une première tentative avec le concours « espace talent« . Alors que le PDG était à la recherche d’une femme pour l’équipe des Grandes Gueules (l’émission la plus suivie du pays) ndlr, le destin guidera mes pas vers lui. Un échange de quelques minutes et le tour est joué ! Je resterai pendant plusieurs années, l’unique femme dans cette émission de débats politiques en République de Guinée avec des hauts et des bas mais avec une forte conviction et un amour profond du métier », explique Moussa Yéro Bah, depuis elle n’a cessé de graver les échelons, en plus d’être chroniqueuse, elle devient co-animatrice, puis rédactrice en chef de Radio Espace avant d’occuper l’actuel poste de Directrice de l’Information.
Du journalisme à l’activisme :
Moussa Yéro Bah, cette voix hors du commun c’est aussi un symbole de la lutte féminine en République de Guinée. Elle trouve que son champ est un peu restreint, il fallait faire autre chose à côté pour défendre les femmes.
« En 2015, mon âme d’activiste des droits des femmes est chatouillée quand l’artiste Tamsir menace et filme une fille qu’il force à se déshabiller et poste la vidéo sur Facebook. L’ONG Femmes, Développement et Droits Humains en Guinée (F2DHG) dont je suis la présidente, avec le concours de plusieurs autres structures, organise l’une des plus grandes mobilisations en Guinée pour dire « non aux violences faites aux femmes« . Depuis lors, le chantier est de plus en plus vaste, le combat loin d’être gagné ! Cet activisme m’a permis de partager mon expérience en février-mars 2022 avec les étudiants de l’Université de Virginie, à Charlottesville aux Etats-Unis», nous raconte la Diadia Nationale, son petit nom à l’antenne.
Activisme et journalisme, des métiers à risque:
Moussa Yéro Bah ne s’est jamais mesuré aux petits. Prendre des risques c’est son quotidien. Elle a toujours de prises de bec avec des politiciens qui veulent l’avoir de leurs côtés et elle s’est toujours montrée intraitable.
« Se sentir suivie partout, recevoir des appels anonymes effrayants, débarquer dans des coins et recoins isolés pour venir en aide à une fillette qui a subi un viol collectif ou battre le pavé étant en grossesse avancée pour les droits des personnes vulnérables mais aussi et surtout voir débarquer chez soi, dans sa maison, des inconnus qui vous demandent d’abandonner tel ou tel dossier, voici ce qui peut-être le quotidien de l’activiste et la journaliste que je suis. Se faire attaquer par des bandits le soir d’une manifestation et se sentir obligé de dormir à la radio, je l’ai vécu aussi en 2018. Être activiste féministe et journaliste dans une émission à grande écoute telle que les Grandes Gueules de radio Espace, dans un pays où les pesanteurs socioculturelles ont encore du chemin à faire n’est pas aisé. Surtout quand on est une femme. Défendre certains dossiers consiste à vivre avec des menaces, des injures et quelquefois avec des poursuites judiciaires. C’est l’expérience que j’ai vécue en 2018 en défendant une fille qui a été violée par son père adoptif dès l’âge de 13 ans jusqu’à ce que grossesse s’en suive. Elle sera jetée en prison par ce dernier. Le combat pour la sortir de là m’a valu un procès intenté contre moi par ce père adoptif. Le plus important est que la fille a pu sortir de prison et accoucher dans les meilleures conditions. Par la force des choses, elle a été contrainte de quitter le pays », souligne Moussa Yéro Bah.
Un des faits marquant dans sa carrière d’activiste et qui lui hante l’esprit, c’était le combat pour la défense de Dame X qui traîne encore devant la justice. « Nous avons appelée ainsi pour la protéger. Malheureusement son dossier n’a pas encore prospéré, Cinq ans après son viol dans un camp militaire de Siguiri. Un viol collectif perpétré par plusieurs hommes en uniformes. Les nombreuses dénonciations et le sit-in organisé devant le Ministère de la Justice n’ont pu lui permettre d’obtenir justice » regrette-t-elle.
Par ailleurs, Moussa Yéro Bah peut se vanter d’un autre dossier qui a secoué tout le pays. C’est le cas d’une jeune dame violée et opérée à plusieurs reprises par ses bourreaux.
« Ma lutte contre les violences sexuelles, c’est aussi celle menée pour obtenir la prise en charge par la présidence de la République de Guinée de la jeune dame M’Mah Sylla, violée et maltraitée par des médecins en 2021 à Conakry. Elle n’a pu survivre à sa douleur mais son procès s’est tenu au Tribunal de Mafanco et les auteurs ont été condamnés respectivement à 15 et 20 ans de réclusion criminelle entre autres. Dommage qu’elle n’ait pu survivre aux nombreux maux dont elle a été victime. »
Quand un problème est difficile à résoudre dans le pays c’est un probable de trouver Moussa Yéro Bah dedans en train de lutter aux côtés des victimes. D’où son autre petit nom “le cauchemar des violeurs’’
« L’engagement dans cette noble mission a mis sur mon chemin une fillette violée à l’âge de 12 ans, elle aussi, par son père adoptif dans la préfecture de Coyah. S’étant rendu compte que la fillette est tombée enceinte, elle a été renvoyée dans sa famille, dans des confins reculés de Kindia d’où un médecin nous a alertés. Nous avons fait venir la petite que nous prenons en charge et porté plainte contre son père adoptif qui se trouve détenu à la prison civile de Coyah. Elle a accouché d’une petite fille qui porte mon nom selon les recommandations de sa famille. Elle n’a jamais osé allaiter son bébé, étant elle-même une enfant ». Des problèmes de ce genre, Moussa Yéro Bah fait partie du quotidien de Moussa Yéro Bah et son ONG.
Des distinctions
Le combat de Moussa Yéro Bah lui a permis de recevoir plusieurs prix à travers le monde. Nous listons ici les huit plus célèbres.
« En 2015, elle est sacrée Femme leader ; en 2016 Femme leader d’Exception par Le Collectif des Organisations Non Gouvernementales pour la Promotion de l’Excellence en Guinée puis prix Oscar d’excellence de la Femme Guinéenne, catégorie œuvres sociales remis par Talent Plus Consulting à la même année; Prix Jeanne Martin Cissé remis par les Amazones de la Démocratie toujours en 2016 ; en 2018, Moussa Yéro Bah soulève le Prix Femme Leader d’Excellence Africaine remis par l’Association pour le Renforcement des Capacités et de l’Excellence des Femmes Africaines (ARCELFA), en Namibie en 2018 ; Moussa Yéro Bah a vaincue le COVID-19 après plusieurs jours de covalence à l’hôpital national Donka en 2020. L’année suivante, elle reprend le flambeau, avec une nomination au Grand prix de l’Homme ou de la Femme de médias de l’année 2021 par Médias Awards Guinée ; et en 2022, La président de F2DHG est couronnée Féminia D’or des 100 Femmes les plus dynamiques de l’Afrique de l’Ouest ; et récemment en 2023 c’est l’ambassade des États-Unis d’Amérique en République de Guinée décerne le Prix Femme Courage de l’année 2023. »
En Guinée Moussa Yéro Bah, c’est au-delà des prix, elle est un symbole pour la promotion des droits de femmes enfants. Célèbre à travers ses analyses en studio mais aussi très respectée en dehors du studio, les femmes voient en elle une protectrice. Le cauchemar des hommes ‘’violeurs’’ ! Avec son ONG, elle se constitue souvent en partie civile pour traduire des auteurs de viols en justice.
Elle c’est madame la présidente comme on l’appelle dans les couloirs de la Radio Espace par ses collaborateurs. A l’antenne on l’appelle les Diadia nationale (la grande sœur nationale littéralement traduit en langue nationale Pular).
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