Leguide.info : Si l’on devait retenir un seul fait qui aura marqué la Guinée du Colonel Mamadi Doumbouya en 2023, c’est bien l’élan de solidarité de la classe politique face à l’explosion dévastatrice du principal dépôt central d’hydrocarbure survenu à Kaloum dans la nuit du 17 au 18 décembre dernier. Comme un seul homme, tous les leaders politiques majeurs de la vie national Cellou Dalein Diallo, Sidya Touré, Lansana Kouyaté, Dr Faya Millimouno, Dr Ousmane Kaba ou encore l’ancien président, Professeur Alpha Condé et j’en passe, ont chacun fait part de leur solidarité au peuple de Guinée dès les premières heures de ce drame qui a frappé et qui continue de frapper en plein cœur notre Guinée commune.
Nonobstant cette période éprouvante que traverse le pays, tous les autres voyants sont presque restés au rouge en 2023 sur le plan politique. D’abord le cadre de dialogue inclusif à double facette annoncé en fanfare par les autorités militaires de la transition menée grâce à la promptitude des trois facilitatrices dont le rapport a été remis récemment au chef de l’Etat, président de la transition.
Pour sauver les meubles, face à la menace des forces vives de Guinée de se faire entendre, le premier ministre, Dr Bernard Goumou en bon sapeur-pompier a pris les taureaux par les cornes avec le soutien des leaders des confessions religieuses pour tenter un autre dialogue au centre islamique de Donka avec les représentants des partis politiques membres des FVG y compris le FNDC, Front national pour la défense de la constitution dissout par le ministre de l’administration du territoire, Mory Condé.
Après plusieurs jours de tentatives de rapprochement des positions sans succès, le pays va renouer avec la reprise des manifestations politiques et sociales parfois spontanées par endroit et qui vont faire plusieurs cas de morts, des blessés et des dégâts matériels importants. Le sang va continuer à couler jusqu’au mois de novembre 2023 avec un bilan macabre qui va atteindre selon le comité d’organisation des forces vives de Guinée, la barre des 37 morts sous la junte militaire dont le président a promis à sa prise du pouvoir le 05 septembre 2021, qu’aucun guinéen ne mourra pour quelque raison que ce soit.
Outre le cadre de dialogue inclusif rejeté par certains ténors de la classe politique, la vulgarisation des recommandations issues des Assises nationales aura également été un des tournants décisifs qui a marqué l’année 2023. Une vulgarisation des 45 recommandations par le Comité national des Assises qui est intervenu après avoir sillonné les 33 préfectures et les 6 communes de Conakry.
2023, c’est aussi le premier déplacement du chef de la junte militaire hors du continent africain. Le Colonel Mamadi Doumbouya va d’abord se rendre au mois de juin en Turquie, à l’occasion de la cérémonie de prestation de serment du Recept Tayyip Erdogan réélu pour un troisième mandat à la tête de son pays. Le président du CNRD va ensuite s’envoler quatre mois plus tard pour New York aux Etats-Unis d’Amérique, où il va prendre part pour la première fois depuis son putsch, à la 78ème session ordinaire de l’assemblée générale des Nations-Unies. Un séjour mouvementé marqué par des manifestations organisées par la branche des forces vives de Guinée aux Etats-Unis pour exiger, d’abord le respect des droits de l’Homme et de manifester surtout pour un retour rapide à l’ordre constitutionnel.
Comme si cela ne suffisait pas, l’homme qui dit allé à la mort le 05 septembre 2021 pour libérer le peuple de Guinée, va à nouveau se rendre à Ryad en Arabie Saoudite dans un contexte d’insécurité total au lendemain de l’attaque de la principale maison d’arrêt de Conakry au cours de laquelle, des présumés cerveaux du massacre du 28 septembre 2009 vont s’évader dont l’ex-chef de la junte du CNDD, le capitaine Moussa Dadis Camara. Un déplacement qui va faire tâche d’huile même si dans la tête du Colonel, l’objectif est de prendre part aux côtés de plusieurs chefs d’États africains à la première édition du sommet Afrique-Arabie Saoudite.
Pendant que le président de la transition guinéenne continue son offensive diplomatique pour tenter de légitimer son pouvoir aux yeux de la communauté internationale, son prédécesseur en exil, en Turquie depuis sa chute multiplie de son côté les différentes sorties dans la presse contre le régime militaire. Professeur Alpha Condé sans langue de bois, va même aller jusqu’à traiter la junte dirigée par Mamadi Doumbouya de « narco trafiquant’’ et appelé tous les guinéens épris de paix et de justice à se mobiliser pour renvoyer le CNRD, Comité National du Rassemblement pour le Développement. Quant à Cellou Dalein Diallo lui, malgré son exil forcé depuis la destruction de son domicile de Dixinn alors que l’affaire était encore pendante devant les juridictions, il va plutôt loin de son pays, célébrer les 16 ans de son arrivé à la tête de l’UFDG, l’Union des Forces Démocratiques de Guinée.
2023, c’est aussi l’année au cours de laquelle la presse et la liberté d’expression ont subi un coup énorme avec des journalistes molestés, brutalisés, injuriés et arrêtés en marge d’une marche pacifique appelée par le Syndicat de la Presse Professionnelle de Guinée (SPPG), pour protester contre la restriction d’accès au site guineematin.com.
Dans le même sillage et en plus d’écarter la presse privée dans la couverture des activités officielles du président de la transition, certains organes de presse privée vont faire les frais du désamour qui s’est installé entre la junte militaire au pouvoir et les journalistes. Les ondes des radios Fim FM du Groupe Fréquence Media, de Djoma Fm du Groupe Djoma Media et d’Espace Fm du Groupe Hadafo Média vont finir par être brouillées sur instruction des autorités de la transition.
Et comme pour asphyxier les médias privés, les télévisions plus suivies du pays notamment Djoma TV, Espace TV et Évasion TV vont par la suite être retirées tout simplement des bouquets Canal+ et Star Times privant une frange importante de la population d’informations. Les raisons de cet état de fait jamais arrivé en Guinée, invoquée par la Haute Autorité de la Communication (HAC) est « impératifs de sécurité nationale ».
A cela vient se greffer la restriction de l’accès à internet depuis plusieurs semaines 37 jours pour être précis, qui ‘’n’est pas un droit’’ selon le ministre porte-parole du gouvernement de transition qui est chargé aussi de diriger le département des postes, des télécommunications et de l’économie numérique.
Dans l’espoir que 2024 soit l’année politique qui répondra à toutes les attentes ou presque des guinéens avec une véritable volonté politique de retour à l’ordre constitutionnel, 2023 restera elle gravée encore pour très longtemps dans les esprits et dans les annales de l’histoire du peuple de Guinée qui rêve toujours d’un lendemain encore plus meilleur. 2023 c’est simplement une année au goût inachevé.
Tomou Traoré, Journaliste politique et consultant en communication