Leguide.info: la Présidente du Comité Stratégique et Consultatif d’ECES, a récemment séjourné en République de Guinée, au terme duquel elle nous a accordé un long entretien en compagnie d’autres confrères. Dans cet échange, elle nous est revenue sur les trois jours de formation qu’elle accordés aux 81 Conseillers nationaux du CNT et de neuf membres de l’administration parlementaire. Les enseignements, les conseils, l’accompagnement de l’Union Européenne à la transition guinéenne, l’impact du Projet d’Appui au Renforcement de la Démocratie (PARD-GUINÉE) et bien d’autres.
« Je suis dans le cadre d’une mission de l’Union Européenne qui a chargé le centre européen d’assistance électorale, qui est une ONG dont je suis la présidente du comité stratégique actuellement, de faire toute une formation demandée par le Conseil National de la Transition et son président à tous les conseillers du CNT pour faire une formation de trois jours sur la maîtrise de la fonction législative. Donc ça consiste à la fois à parler de bases d’une démocratie puisque la transition est chargée de préparer la démocratie de demain en Guinée, de voir quelles sont les fonctions des parlements notamment la fonction législative de contrôle, d’analyser toute l’importance du respect des droits humains, des obligations internationales en la matière et surtout on a passé beaucoup de temps à analyser la fonction législative des conseillers : comment est-ce qu’on doit élaborer une loi pour qu’elle soit efficace, quelles sont les étapes, les obligations et puis comment on rédige aussi formellement une loi pour qu’elle soit structurée, claire pour les citoyens de Guinée. On a passé trois jours très intensifs avec des conseillers très impliqués et très actifs dans les formations, qui étaient vraiment à la hauteur. J’ai beaucoup apprécié à la fois les contacts, leurs connaissances très élevées de la fonction parlementaire », explique Joëlle MILQUET, Présidente du Comité Stratégique et Consultatif d’ECES.
À la question des enseignements tirés de ces trois (3) jours de renforcement de capacités, elle nous laisse comprendre qu’elle a bien apprécié le partage d’idées qu’elle a eu avec ces parlementaires guinéens ?
« L’une des demande était de pouvoir encore plus sensibiliser les conseillers qui, au départ, ne sont pas issus du monde politique à part les 15 représentants des partis, ils sont issus de la société civile, de la diaspora, de les sensibiliser non seulement au travail de contrôle de l’exécutif, de l’analyse des projets de lois qui viennent du gouvernement et de les sensibiliser au fait qu’on peut déposer et avoir de l’initiative législative. J’étais très impressionnée de voir que beaucoup de parlementaires, de conseillers qui sont dans les différentes commissions sont en train de réfléchir à différentes propositions de lois notamment pour améliorer les couvertures des santé notamment en matière d’éducation, notamment en matière économique et c’était intéressant de pouvoir expliquer les processus pour arriver à des législations efficaces, donc à la fois des questions politiques, des questions juridiques, des questions d’organisation. On a abordé un peu de tout pendant ces trois jours », dit Joëlle MILQUET, Présidente du Comité Stratégique et Consultatif d’ECES.
Elle revient sur son rôle principale au sein du Projet d’Appui au Renforcement de la Démocratie (PARD-GUINÉE).
Joëlle MILQUET, Présidente du Comité Stratégique et Consultatif d’ECES : J’ai été ministre pendant plusieurs années en Belgique, j’ai été présidente de parti pendant douze ans, j’ai été parlementaire pendant 24 ans donc je connais bien la matière. On m’avait sollicité pour ces raisons-là. Du coup on a eu pas mal d’échanges, parce que c’était bien de faire des ateliers interactifs et donc ils ont pu aussi exprimer des idées d’initiatives, des sensibilités. Quand on définit une démocratie, il ne suffit pas de voter, il ne suffit pas d’avoir un parlement, il suffit aussi surtout d’avoir une démocratie participative où les citoyens seront de plus en plus consultés, c’est aussi avoir un État décentralisé, qui puisse décider au plus près des citoyens. C’est tout ce débat-là qu’on a pu avoir ensemble. »
La Présidente du Conseil stratégique d’ECES, a également détaillé sur ce qui consiste sa mission au sein du top management de ce centre.
« Le Centre Européen d’assistance aux élections est une grande ONG qui est à Bruxelles et dont l’objectif est de soutenir les démocraties, faire de l’assistance démocratique électorale dans les pays qui le demandent pour et au compte de l’Union Européenne. Donc ici, c’est un grand projet de l’Union Européenne qui soutient fortement la Guinée et les Guinéens dans différents sujets, que ce soit en matière d’environnement, d’énergie, que ce soit en matière notamment d’assainissement des eaux mais aussi en matière de gouvernance. Dans ce cadre-là, ils ont choisi le centre européen d’assistance électorale pour être un peu leur bras armé dans tous les projets liés à la gouvernance et le centre européen d’assistance électorale ici en Guinée, est le partenaire du Conseil National de la Transition, il est aussi le partenaire du ministère de l´Administration du territoire et de la Décentralisation, il est aussi partenaire de la Cour suprême pour pouvoir répondre à leur demande en terme de renforcement de capacités. Donc ici on travaille à la demande du Conseil National de Transition. Mais dans les jours qui viennent, le centre européen d’assistance électorale fait toute une formation pour la Cour suprême avec des spécialistes de l’OIF (Organisation Internationale de la Francophonie) à la demande de la Cour suprême. Donc nous on est là à la demande des autorités guinéennes pour répondre à leur demande de formation, on est financé par l´Union Européenne et ça s’inscrit dans le cadre de la politique très active que l´Union Européenne met à disposition de la Guinée parce que c’est une grande priorité de la politique de développement de l´Union Européenne.
Alors comment l’expérience d’ECES et son approche pourraient-elles être profitables et utiles aux pays africains en transition ou sur la voie de la démocratie ?
Joëlle MILQUET, Présidente du Comité Stratégique et Consultatif d’ECES: Ici c’est très important parce que le conseil national de la transition à des missions fondamentales : un, de pouvoir adopter une nouvelle constitution qui remette le pays dans l’ordre le plus vite que possible avec des institutions démocratiques, des élections libres, crédibles et transparentes avec de nouvelles autorités et enfin une démocratie telle que la population guinéenne le souhaite. Donc le conseil national de la transition est là pour un moment court, pour faire cette constitution mais en même temps, pour gérer la fonction législative de l’Etat, il y a le respect des droits humains, des matières fondamentales en ce qui concerne la vie quotidienne des guinéens en attendant un vraiment parlement à l’exercer. Mais ils font aussi la promotion de la défense des droits de l’homme pendant ce temps, ils ont aussi toute la vigilance par rapport à l’agenda de la transition, ils ont aussi la réconciliation nationale. C’est donc des grandes compétences. Ils sont demandeurs un soutien en formation que ce soit sur la fonction législative, dans 15 jours sur le contrôle du gouvernement et puis on continue aussi à mettre focus sur les femmes pour faire en sorte qu’il y ait plus de femmes qui accèdent à la fonction politique, voir comment soutenir les organisations féminines, on a plusieurs projets pour les deux années qui viennent.
Dans le cadre de l’accompagnement ou de l’appui de l’Union Européenne à la Transition guinéenne, elle pense que l’UE fait beaucoup et elle espère que cette transition ne sera pas aussi longue.
« Le président du conseil national de la transition l’a redit ainsi que la représentante de la délégation de l’Union Européenne, le soutien à la gouvernance et à la préparation de l’avènement de la démocratie, au soutien à la transition dans cet objectif-là, c’est une grande priorité de l’union européenne qui met les moyens avec le soutien vis-à-vis de tous les partenaires en concertation avec l’Etat guinéen. C’est donc une grande priorité mais l’Union Européenne a aussi énormément une politique de soutien au développement de la population en générale dans d’autres secteurs comme la santé, l’environnement, l’économie, à l’entrepreneuriat des femmes etc.
Quand on compte les Etats membres de l’Union Européenne et l’Union Européenne, c’est le plus grand partenaire des Guinéens en termes de volonté et financier aussi. On a quand-même beaucoup d’histoires communes et j’ai senti énormément de volonté de part et d’autre avec le président du CNT de continuer ce partenariat. »
Vous avez été vice-première ministre de Belgique et avez été ministre pendant 12 ans, vous avez une expérience de 24 ans au parlement. Que préconisez-vous pour une réussite de la Transition et un ancrage de la démocratie et de l’Etat de droit en République de Guinée ?
Joëlle MILQUET, Présidente du Comité Stratégique et Consultatif d’ECES: Ce sont des sujets dont on a parlés avec les conseillers du CNT pendant ces trois jours, c’est de voir comment arriver le plus vite possible à une Constitution qui soit moderne, qui réponde aux aspirations du dialogue qui a eu lieu avec la population, surtout de faire en sorte que la transition soit la plus courte que possible, pour arriver à un État démocratique mais dans les meilleures conditions mais il ne faut que ça soit trop longtemps. En attendant, c’est de voir avec eux comment ils pouvaient optimaliser toutes les compétences qu’ils ont dans les mains, c’est le plus important car comme je l’ai dit, contrairement aux autres Assemblées, certes eux ils ne sont pas élus, mais ils sont un constituant, ils vont pouvoir rédiger une Constitution, la Loi suprême du pays, c’est donc une grande responsabilité. Ils ont toutes les compétences de faire la promotion des droits de l’Homme, de vigilance, de faire de nouvelles propositions de Loi pour exécuter des droits fondamentaux notamment la Charte de la transition, mais aussi des textes internationaux qui s’imposent à la Guinée comme le pacte international des droits sociopolitiques et économiques qui sont aussi obligatoires en Guinée. Il y a aussi le devoir de comment les exécuter et j’ai senti beaucoup d’intérêt de la part des conseillers nationaux.
Que conseilleriez-vous aux jeunes et femmes en Afrique et particulièrement en Guinée qui vous écoutent en ce moment ?
Joëlle MILQUET, Présidente du Comité Stratégique et Consultatif d’ECES : J’ai toujours pensé que l’avenir de la démocratie en Afrique était entre les mains des jeunes et des femmes. Il faut beaucoup plus de femmes en politique non pas parce qu’elles seraient les plus intelligentes c’est parce qu’elles ont une perception différente et qu’on a besoin de cette diversité, elles sont pragmatiques, il faut donc une grande présence féminine dans les Assemblées, les gouvernements, ça change un mental parfois trop guerrier, je pense que la présence féminine est très importante. L’Afrique est peuplée à 70% des jeunes, ce sont eux qui vont faire le renouvellement de la gouvernance de demain, l’arrivée d’une vraie démocratie qui soit portée par eux parce que ce sont eux qui peuvent s’engager en politique. Je pense qu’ils peuvent changer des pratiques qu’ils n’aiment pas, venir avec une nouvelle vision plus environnementale, humaniste de manière globale. Je pense qu’on a tous ce besoin-là tant qu’En Europe et en Afrique, l’avenir est pratiquement dans la main des jeunes et femmes.
À moins que vous n’ayez quelque chose à ajouter, nous vous remercions pour cet entretien, mais si vous en avez, c’est toujours un plaisir !
« J’ai eu un immense plaisir de travailler avec des personnes compétentes, ouvertes, sincères avec lesquelles j’ai eu de véritables dialogues, de convivialité, on a été bien accueillis, nous avons eu des échanges de haut niveau. Je suis très honorée d’avoir pu faire cette formation avec des gens de cette envergure, j’aime beaucoup la Guinée. »
Propos receuilis par Mamoudou Boulléré Diallo