Leguide.info: parlons de la HAC, la Haute autorité de la Communication ! Parlons d’elle en ne perdant pas de vue que sa nouvelle ligne de conduite est un bon indicateur de déroute globale d’une gouvernance qui vient de souscrire au musellement. Faut-il qu’elle fasse irruption dans la presse pour tenter d’intimider ? Peut-être qu’elle est dans son rôle, mais la HAC ne doit pas oublier aussi que certains journalistes ont toujours fait face à ce genre de manœuvres dissuasives, et n’ont jamais flanché.
Après avoir battu le record de temps de décrets en Guinée, le CNRD s’inscrit au Wimbledon des convocations : politiques, activistes, citoyens… et maintenant, les journalistes ! Pour cette dernière entité, c’est la HAC qui s’en charge, comme la CRIEF ailleurs. Vous vous rappelez ? La Haute Autorité de la Communication est redevable au CNRD : c’est la première intuition réactivée après le coup d’Etat. Le hic de la HAC, c’est qu’on ne sait même pas pourquoi elle est haute, mais l’autorité dite de la communication a une dette qu’elle entend bien payer par l’obédience absolue, la docilité convenable et par l’acceptation inconditionnelle des idéaux des créanciers, quitte à sacrifier un soi-disant passé honorifique d’une prétendue grande carrière de journaliste d’investigation.
Il y a un certain nombre de conduites qui peuvent éclairer toute personne attentive sur les tenants d’une gouvernance. Il y a aussi un certain nombre d’outils institutionnels qui, une fois engagés, dévoilent toute alcôve d’opacité dans la gestion. En Guinée, c’est comme si nos nouveaux dirigeants s’étaient trompés sur tout ce qu’ils ont ronflé en discours dans l’euphorie de la prise du pouvoir. Et c’est comme s’ils tentaient maintenant de nous dire : « Désolé, peuple martyr de Guinée. Ce n’est pas pour mieux te gouverner qu’on s’est emparé du pouvoir. » Tant pis donc pour nous, nous qui avons vraiment cru à la renaissance. C’était visiblement sans compter sur les problèmes génétiques de dictature qui caractérisent notre histoire.
Mais adressons quand même, ensemble, quelques conseils à la HAC et à la junte :
En pleine ère moderne, soyez soutenus par Louis XIV pour ne pas dire Macron, si vous vous en prenez à la presse, ça craint. Ça craint pour la démocratie dont on rêve, pour l’Etat de droit qu’on est les seuls incapables à bâtir, pour toutes formes de libertés que seuls nous n’avons jamais réussi à garantir depuis le temps de Camps et des cordes.
En pleine ère moderne, je veux dire, en pleine époque insoumise et incontrôlable des réseaux sociaux et des engagements citoyens inébranlables, si une Cour royale ou un Palais décide de gouverner avec musellement, ça craint. Ça craint pour l’histoire que ce pays n’a pas pu pénétrer du bon côté, pour l’avenir qu’on est incapables de dessiner, pour la postérité qu’on ne peut même pas préparer.
Alors oui, sa déontologie est à questionner par moment. Oui, elle se loupe des fois. Oui, elle pactise quelques fois avec le diable, je veux dire avec vous, les pouvoirs centraux…, mais la presse guinéenne est l’un de ces merveilleux cadeaux que le temps nous a offerts sur notre piteuse marche vers les abords de la démocratie.
De toute évidence, on ne peut pas nier le rangement des médias sur des lignes éditoriales différentes. Mais en Guinée, tous ceux qui refusent d’aller à la soupe sont à bâillonner. Il y a des journalistes qui savent qu’un seul accord avec vous leur éviterait tout ennui, mais ils refusent de croquer votre pomme d’allégeance. Ils comptent se battre pour le rayonnement de la vérité, au bon côté de l’histoire.
Vous savez, quand tout est normal dans l’organisation et la marche démocratique d’un pays, on est d’accord que les rôles sont séparés et distincts : les journalistes informent, les médecins soignent, les politiques s’engueulent, les artistes célèbrent l’amour, les oiseaux chantent, l’eau coule, le vent souffle… Mais lorsqu’on a le malheur d’être citoyen d’un pays qui confisque les libertés individuelles et collectives depuis sa création, qui prime les offenses à la morale et qui réprime les défenses de la démocratie, il n’y a plus de métiers isolés. Aucune corporation ne doit être insensible aux violations des droits fondamentaux. Parce qu’aucune école n’enseigne le silence face au mal. La responsabilité d’abord humaine, ensuite citoyenne, nous oblige, nous journalistes, au minimum de sensibilité. Espérons que la HAC ne sévisse pas !
Abdourahmane Sénateur DIALLO, journaliste, auteur, blogueur